b. Le temps des pistes

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Le cowboy n’existerait pas, ou ne serait pas devenu un personnage mythique, s’il n’y avait eu le chemin de fer et la ruée vers l’or. L’élevage se serait limité à une banale activité du ranch et le vaquero serait resté un simple employé sédentaire. Fils de famille ou modeste travailleur, mexicain ou américain, le bouvier n’avait pas eu, jusque-là, le sentiment d’être un héros.

Dès les années 1830, certains ranchers texans s’étaient certes mis à conduire de petits troupeaux de quelques centaines de bêtes vers des villes pas trop éloignées. Mais ce n’était encore qu’une espèce de répétition générale de ce qui allait se passer lorsqu’après 1848, la fièvre de 1′or fit que des milliers d’aventuriers en quête de facile fortune prirent le chemin de la Californie. Il y avait bien, sur place, quelques élevages issus de ceux qu’avaient implantés les premiers missionnaires. Mais ce cheptel ne suffisait pas à nourrir les milliers de colons qui affluaient dans la région et, de toute manière, la fièvre de l’or avait incité la plupart des habitants, jusqu’u plus modeste vacher, à abandonner l’élevage pour se consacrer à la recherche des pépites. Les prix étaient alors grimpés en flèche, en particulier celui de la viande.

Près de 2500 kilomètres séparaient le Texas de la Californie. Un premier rancher texan, du nom de Trimmier, réussit à amener dès 1848 un troupeau de 500 têtes de bétail jusqu’à Los Angeles, où il vendit 100 dollars des animaux qui n’en valaient pas dix au départ. Son exemple fut bientôt suivi par des dizaines d’autres éleveurs du Texas. La piste était longue et durait des mois. Mais elle ne présentait pas de difficultés particulières et, à en croire Michael Erskine et John James, qui l’empruntèrent à leur tour en 1854, n’importe quel propriétaire de ranch aurait pu en faire autant. Les obstacles n’étaient pas aussi redoutables que ceux qui, quelques années plus tard, attendraient les futurs conducteurs de troupeaux sur les pistes menant vers le nord.

Le seul risque était de s’endormir et de laisser ainsi s’échapper des bêtes. Pour n’avoir pas à assumer la responsabilité de telles pertes, les premiers cowboys convoyeurs inventèrent de terrifiantes rencontres avec des Indiens belliqueux, des coyotes affamés ou des animaux plus ou moins mythiques, « prairie dogs » ou rats-kangourous ! Sans le savoir, ils ne faisaient en réalité qu’anticiper les embûches qu’allaient trouver leurs successeurs sur les pistes qui les mèneraient vers Abilène, Dodge City ou Cheyenne.

Les grandes pistes

La Guerre de Sécession, qui avait d’abord interrompu ces premières pistes, fut ensuite la principale cause de leur reprise et de leur extension. Les pâturages de l’est manquaient cruellement de bétail et les conserveries du nord réclamaient de plus en plus de viande. Une première piste permanente fut instituée, qui menait de San Antonio (Texas) à Sedalia (Missouri). D’autres embranchements de cette piste, connue alors sous le nom de « piste Sedalia » mais qui allait devenir la « piste Shawnee », desservaient Indépendance, Bonneville et même Saint-Louis, sur le Mississipi. Ensuite, au fur et à mesure que les rails du chemin de fer s’avancèrent plus à l’ouest, les pistes successives se décalèrent également. Il y eut successivement la piste Chisholm, qui empruntait les meilleurs gués sur la Rivière Rouge, la Canadian River et la Cimarron River, et qui fit un temps la gloire d’une des premières « villes à vaches », Abilene, mais présentait l’inconvénient de traverser les territoires indiens.

La piste suivante, baptisée « Piste de l’Ouest », traversait la Rivière Rouge à Doan’s Crossing et desservait la voie ferrée de l’Union Pacifie à Dodge City, mais certains troupeaux poursuivaient leur chemin beaucoup plus au nord, à travers le Nebraska et les deux Dakotas. Hélas, la traversée du Kansas posait de plus en plus de problèmes. De nouveaux colons s’étaient installés et avaient constaté qu’après le passage des longhorns, leur propres bêtes étaient atteintes d’une maladie redoutable, la pyroplasmose, dont on ignorait alors qu’elle était transmise par une variété particulière de tiques. Les habitants du Kansas imposèrent donc aux troupeaux venus du Texas une quarantaine que certains éleveurs décidèrent de transgresser. Lorsque la parole ne suffit plus à régler les différends, la poudre se mit à parler.

La piste Goodnight-Loving

Charles Goodnight avait trente ans lorsqu’il fut libéré de l’armée. I1 reprit aussitôt son métier d’éleveur et, après quelques années difficiles au cours desquelles l’essentiel de son troupeau fut volé par les bandits des plaines ou dispersé par les Indiens, il finit par imaginer une nouvelle piste évitant d’affronter les interdictions décrétées au Kansas. Alors qu’il se préparait au départ, il rencontra un vieux pisteur, Oliver Loving. Au lieu de partir vers le nord, les deux hommes décidèrent de pousser leur troupeau plein ouest pour rejoindre le cours du Rio Peco, qu’ils remontèrent alors vers le nord en pénétrant au Nouveau-Mexique. Ensuite, poursuivant dans cette direction, ils atteignirent le Colorado. Ainsi fut tracée une des pistes les plus utilisées durant la seconde moitié du XIXè siècle et qui, poursuivie plus au nord, mena jusqu’au Wyoming (Cheyenne et Fort Laramie) puis au Montana et même à la frontière canadienne.

 

 

 

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