e. Nobel et Gounod saluent Mireille

 

Le succès de Mireille, présenté au monde litté­raire parisien par Lamartine, est retentissant. Rou­manille, qui a assuré la première édition de 1859, est débordé. Dès 1864, Charles Gounod tire du poème un opéra en cinq actes qui contribue encore à populariser Mireille. Il faut préciser que Gounod, le temps de la composition, s’était installé à Saint-Rémy, tout près de Maillane où vivait Mistral et à quelques encablures du lieu présumé des amours de Mireille et Vincent. Cela explique sans doute l’extraordinaire communion qui se dégage du poème de Mistral et de l’œuvre de Gounod, ainsi que la justesse toute provençale de la plupart des airs de l’opéra. Le plus connu est sans doute «0 Magali ma tant amado», 0 Magali ma tant aimée, issue d’une chanson populaire pro­vençale.

Pour Mistral, la consécration de Mireille repré­sente gloire et argent. Il utilise l’une et l’autre pour soutenir et aviver la cause du Félbrige, qui déborde peu à peu le cadre d’un groupe purement littéraire et devient une véritable force politique. Mistral, cependant, ne cède pas au penchant rétro­grade de certains de ses amis. Il refuse de faire acte de candidature pour le mouvement monar­chiste et, plus tard, ne s’associera pas à la révolte des vignerons du Midi.

En 1904, le prix Nobel vient couronner Mireille. C’est l’apothéose. Si Mistral ne se déplace pas à Stockholm, c’est qu’il frôle les trois-quarts de siècle. Mais la sincérité et l’émotion l’animent. Il écrit, en remerciement, à l’Académie:

«La valeur pécuniaire de cette haute récompense m’aidera à poursuivre par des subsides et fondations, la Renaissance provençale à laquelle j’ai voué mes œuvres et ma vie, ainsi que la conserva­tion de toutes nos meilleures traditions populaires. Mais la célébrité du prix Nobel, répandue dans le monde entier, aura, pour le salut et la glorification de notre langue de Provence, un effet incompa­rable.»

Il est vrai que, n’était l’acquisition d’une maison près de Saint-Rémy, Mistral consacrera tous les revenus du prix Nobel à la défense et illustration de la culture provençale, en particulier en fondant à Arles le Museon Arlaten, musée des traditions populaires qui constitue un authentique trésor où sont regroupés objets, ustensiles, meubles, outils, oeuvres d’art et documents qui permettent de fixer à jamais une époque de la vie quotidienne en Provence.

Jusque dans la mort, Frédéric Mistral restera fidèle à ce voeu. N’avait-il pas imaginé, comme épitaphe pour son tombeau, cette supplique:

«Non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tuo et Provinciae nostrae da gloriam.» (Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom et à notre Provence donne la gloire.)

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