Halloween

 

Un peu comme les Mexicains et pas du tout comme les Européens, les Américains fêtent la veille de la Toussaint dans la joie. Les devantures des magasins sont décorées de toiles d’araignées artificielles, de potirons enluminés ou entaillés en forme de visages, de squelettes de plastique gonflés, de têtes de mort. Demain, personne n’ira se recueillir dans les cimetières et, aujourd’hui, les enfants sont à la fête. A la nuit tombante, chacun se déguise, plus ou moins en rapport avec la mort, et passe de maison en maison, en quête de friandises que leur octroient les adultes. C’est aussi la seule fois dans l’année ou les enfants des familles noires pauvres de Bridgestone s’aventurent dans des quartiers blancs. Certains de ces jeunes noirs ont jusqu’à 18 ou 20 ans et obtiennent ainsi des babioles qu’ils ne pourraient se payer alors que les enfants blancs ne quêtent que jusque vers 12 ou 15 ans, pour le seul plaisir.

A midi, nous sommes allés nous promener au bord de l’océan, qui ressemble à un lac plutôt qu’à la mer, protégé qu’il est ici par la presqu’île qui nous cache l’immensité. Des joncs, quelques bateaux, quelques vols de canards et de hérons. Sur la terre ferme, des demeures coloniales, toutes plus luxueuses et brillantes les unes que les autres. Des Mercedes, des Porsche, quelques Peugeot. Guère de voitures américaines. On se veut cosmopolite. Pas de noirs non plus, on s’en serait douté. Puis nous sommes allés manger dans une espèce de blockhaus de luxe, le temps d’un sandwich copieux, pour nous, et de fromage fondu avec frites pour les enfants.

J’avais souhaité inviter tout le monde, le soir, au restaurant. Mais, du fait de  Halloween et de la présence des enfants, Garry préfère que nous rentrions à la maison. En chemin, nous achetons donc dans un magasin de spécialités (Hay Day) du fromage bleu de Gex ( !), du crottin de Chavignol( !), des chanterelles, des champignons de Paris, de l’estragon, des cébettes. Et, en passant chez un traiteur italien, des pâtes qu’il ne restera qu’à faire chauffer. Sans doute cultivées plutôt que sauvages, les splendides chanterelles jaunes n’ont hélas strictement aucun goût et la vraie crème a la texture et le goût d’une béchamel industielle.

Pour le repas, Garry a sorti de sa réserve du Château de Mont 1990, mis en bouteille à Mont sur Rolle  par François Naef, ainsi qu’un merlot Dehlinger 1985 du Sonoma County, en Californie. Le blanc est excellent et n’a pas souffert du voyage. Le rouge a été bon, mais tire déjà sur le madère, comme tous les vins aujourd’hui produits pour être aussitôt commercialisés et bus.

Un peu déçu par cette dernière étape new-yorkaise et son crochet par Bridgeport. J’ai cependant trouvé l’Amérique moins délabrée que je ne l’avais vue en mars. Peut-être parce qu’à l’approche des mauvais jours, les miséreux s’efforcent de trouver un logement plus habitable qu’un simple tas de cartons, ou parce que les élections ont poussé les politiques à cacher la misère, le temps du scrutin. Ou peut-être, tout de même, parce que l’Amérique commence à sortir de la crise. A moins que les pauvres, par sélection naturelle, aient commencé à disparaître… ici, rien n’est impossible.

 

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