Je suis la voix d’un passé qui cherche à renaître,
Une voix d’hier que le destin n’a pas fait taire.
On m’appelle la Tradition.
Je suis le goût suave de la milonga
Et je suis la douceur indolente de la selle.
Je vis à la dure, humble travailleur.
Je suis les espadrilles pour garder le troupeau,
Je suis la bride pour retenir le cheval sauvage,
Je suis le «corral» sûr où l’on marque au fer rouge,
Je suis le lasso, l’étrier et la pierre à feu.
Je suis le parler du poète champêtre,
Je suis l’amitié chaleureuse d’une gorgée de maté,
Je suis la joie et la valeur de cette race de mâles.
Je suis les étincelles du feu , étoiles égarées,
Lorsque la guitare enchante le coeur.
Je suis le cri de l’oiseau dénonçant les chalands,
Je suis l’ample pantalon et la ceinture usée,
Je suis boue et paille sur la poutre maîtresse.
Je suis la charrue oubliée dans un recoin
Et je suis le genièvre dans la cruche à bec.
Je suis ce pas méfiant qui évite les embûches,
Je suis le verre de vin qui éclaircit le rire.
As au jeu de cartes, chance à la loterie,
Le poncho pampa dans la nuit froide
Et le quartier de viande qui cuit près des braises.
Abel Gari (Adaptation : Alex Décotte)