Pirisi

 

Deux autres bandits corses:

Le 13 novembre 1894, dans la nuit, une centaine d’hommes armés font irruption dans le village de Tortoli. Ils bloquent toutes les issues du village, empêchant ainsi quiconque d’en sortir ou d’y entrer. Un brigadier des carabiniers, qui tente de s’opposer à la razzia, est tué de plusieurs balles.

Les bandits occupent ensuite tous les points straté­giques puis une petite escouade s’approche de la maison de Vittorio Depau, un riche propriétaire. Le chef de famille a la chance de ne pas se trouver là. Les hommes, faute de tenir leur proie, dé­vastent et saccagent tout, sous les yeux de la maî­tresse de maison. Lorsqu’ils repartent, trois heures plus tard, les bandits emportent des lingots, des écus, des pièces, de la vaisselle et des plats d’argent, des bijoux, des montres, deux revolvers à per­cussion centrale et un fusil.

L’un des assaillants a été blessé lors de la première fusillade. Le lendemain, à deux kilomètres du vil­lage, on retrouvera son corps. Mais ses amis ont pris la précaution de le dévêtir complètement puis, avec une maestria digne d’un grand chirurgien, ils l’ont décapité. Ainsi sera-t-il impossible de l’identi­fier!

Fin juillet 1894, près du village de Gadoni. Louis-Jules Paty, un Français de trente-quatre ans, se promène en compagnie de sa femme et d’un autre Français, Régis Pral, vingt-trois ans. Un Sarde les accompagne, Elia Pirisi, maître d’école, trafi­quant d’armes et familier du fameux bandit Torre­corte. Depuis deux ans, Paty est le représentant en Sardaigne d’une importante société française de bois, dont le siège est à Valence. Et Pral est le le fils du patron de cette entreprise… En visite chez Paty, il a eu le tort, en public, de faire état des nombreux millions appartenant à sa famille.

Alors que la blonde madame Paty s’est un peu éloignée des trois autres, dix hommes les entourent, armés jusqu’aux dents et masqués. L’un d’eux laisse échapper: «Maintenant, on va pouvoir en­caisser les intérêts de tes millions!» Paty, Pral et Pirisi sont immédiatement maîtrisés et éloignés du lieu de l’attaque, afin que Madame Paty ne puisse rejoindre le groupe. Puis les prisonniers sont sépa­rés, la moitié des hommes emmenant Pral, l’autre poussant Paty et Pirisi vers les montagnes. De là, douze heures de marche en forêt amènent otages et ravisseurs dans une grotte de la montagne, où les attend l’organisateur de l’enlèvement, mas­qué lui aussi. Trois jours passent. La négociation bute sur le prix de la rançon. Les bandits décident alors de libérer Paty et Pirisi qui, après une marche de treize heures, gagnent un premier village, se font reconnaître auprès des autorités, puis pren­nent le train afin de retrouver Madame Paty.

Premier coup de théâtre: un jeune homme monte dans le train à une station intermédiaire, entre dans le compartiment de Paty et, le voyant, va s’ins­taller à l’autre extrémité avant de couvrir son visage à l’aide de sa veste. Paty, à qui le manège n’a pas échappé, s’en ouvre aux policiers qui l’accompagnent et le jeune homme est interpellé. Il a beau nier, on trouve sur lui un masque noir identique à celui des ravisseurs.

Deuxième coup de théâtre: à l’arrivée, le compa­gnon de Paty, le Sarde Pirisi, est soudain arrêté. Les enquêteurs ont acquis la conviction, con­firmée ensuite, que l’organisation du rapt s’est faite chez le père de Pirisi.

Pral, lui, est toujours aux mains des bandits. Sa na­tionalité, plus que ses millions, va lui servir. Car les autorités ne souhaitent en aucun cas voir l’affaire défrayer la chronique internationale. Il en va de la fierté sarde… et de l’avancement de quel­ques responsables. De leur côté, les bandits com­prennent vite qu’en cas de malheur, on ne leur fera pas de cadeau. Chacun est donc prêt à négo­cier. Mais comment établir le contact?

On a vu que Pirisi, maître d’école complice du rapt, avait l’oreille du bandit Torrecorte. Toute honte bue, les policiers prennent langue avec le vieux bandit, lui demandant, contre dédommage­ment, de faciliter la chose. Ce qui ne traîne pas.

La rançon est versée dans la nuit du sept août, une semaine après l’enlèvement, et le jeune Français est libéré dès le lendemain.

Deux autres bandits corses:

 

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