La Terre de Feu n’existe pas. Ce n’est qu’une histoire pour amuser les enfants, un record pour intriguer les géographes, un cap pour effrayer les navigateurs, une position pour rassurer les stratèges, un but pour stimuler les coureurs de continents, une pomme de discorde pour provoquer les politiciens, une carte postale pour justifier les touristes.
Non, la Terre de Feu n’existe pas. Il n’y a de feu ni sur les côtes, ni dans les cœurs. Et le peu de terre affleurant au-dessus des vagues se confond dans les brumes. Ce qui n’empêche pas qu’on l’ait attribuée, clôturée et que, désormais, chacun la revendique avec autant de mauvaise foi que trois mètres carrés sur une plage de vacances.
Certainement, la Terre de Feu n’existe pas.
Qui dit terre dit traditions. Et les traditions se puisent dans le passé. Mais la Terre de Feu n’a pas de passé, et sans doute peu d’avenir. Qui dit feu dit chaleur, enthousiasme, fraternité et passion. En Terre de Feu, la chaleur est absente du climat comme des conversations, l’enthousiasme est une denrée qu’on laisse aux méridionaux, la fraternité se conjugue à la première personne du singulier et la passion ne saurait résister aux brouillards, aux tempêtes, aux hivers, à la solitude, à l’argent et au tourisme.
Bref, la Terre de Feu est une fausse terre où ne brûle aucune flamme.
Et pourtant…