g. Ventoux et Luberon

 

Si la Provence occidentale se caractérise par la relative modestie de ses reliefs, certains sommets qui l’encadrent atteignent cependant de belles alti­tudes. Ce sont, pour l’essentiel, le mont Ventoux (1912 m), la montagne de Lure (1826 m) et le massif du Lubéron (1125 m), l’importance de ce dernier tenant plus à ses dimensions, près de 70 km de longueur, qu’à son élévation.

L’ombre tutélaire du Ventoux veille sur toute cette partie de la Provence. La silhouette est gracieuse bien que massive, jamais agressive. Le sommet est blanc toute l’année, non que la neige chère aux skieurs s’y maintienne au-delà de mars ou avril, mais parce la partie la plus élevée de ce large cône, qui évoque un volcan sage, est peuplée de caillasse gris-clair, totalement dépourvue de végé­tation et scintillant dans la lumière irisée propre à la Provence.

Pétrarque et Mistral ont, chacun à leur manière, chanté les louanges du Ventoux. L’ascension, à leur époque, était certes plus malaisée mais ne fut jamais réservée aux alpinistes chevronnés. Aujourd’hui, on y accède en voiture par différents itinéraires (sauf en plein hiver, où les skis sont le seul moyen de déplacement) et le panorama qu’on découvre du sommet est grandiose. La vue porte jusqu’aux Pyrénées et englobe les Cévennes, la vallée du Rhône, les Alpilles, le Lubéron. Ami journée, la brume peut masquer certains axes, mais, au petit jour, on est certain de jouir d’une vision exceptionnelle. C’est l’une des rai­sons qui ont incité la Météorologie nationale à y installer un observatoire.

Le voyageur qui prendra la peine d’y passer la nuit découvrira, sous une scintillante voûte céleste, les lumières grêles des villages et villes de la plaine rhodanienne et distinguera même, par temps clair, le faisceau alterné des phares de la côte!

La montagne de Lure n’est séparée du Ventoux que par un étroit défilé, l’Our des Oules, et en pro­longe l’axe vers l’est, jusqu’à la vallée encaissée de la Durance, près de Sisteron. Comme le Lubéron, elle présente un sommet caillouteux et presque totalement dénudé. Si le mistral y souffle moins, du fait de l’éloignement de l’axe rhodanien, les températures hivernales y sont souvent plus rudes, à cause de la proximité du domaine alpin.

En été, la montagne de Lure est le domaine des bergers. J’ai souvenir d’avoir passé une nuit à la belle étoile, à l’échancrure du sommet, et d’avoir été réveillé, avant le jour, par un clapotis inconnu et grandissant, mélange de castagnettes et de pots cassés. Un troupeau de plus de mille moutons s’avançait sur moi et ne m’évita, débonnaire, que de quelques dizaines de centimètres. Le berger, aidé par un seul chien, amenait ses ouailles vers les herbes rares du sommet, les sous-bois ombreux de la moyenne-montagne étant à la merci d’un imminent incendie de forêt. L’homme s’est arrêté et, en quelques mots, nous avons eu le temps d’évoquer un autre berger, dont je vous reparlerai, et qui officie à plus de cent kilomètres de là, en Haute-Provence. C’est que les hommes de la transhumance, de moins en moins nombreux, se connaissent à des lieues à la ronde et, même s’ils ne se sont jamais rencontrés, ils savent tout l’un de l’autre, de son troupeau, de ses alpages, de ses habitudes et de ses faiblesses…

Le massif du Lubéron dresse sa barrière sur près de 70 km, de Cavaillon à Manosque. Arrête presque rectiligne, à peine rompue, au tiers de distance, par la combe de Lourmarin, permettant de relier Apt à Cadenet. Montagne aride, roche à vif et herbes rares, le Lubéron recèle sans doute encore les vestiges de cités, voire de civilisations, enfouies. Il fut aussi, au milieu du XVIème siècle, le théâtre sanglant des persécutions qui s’abat­tirent sur les Vaudois, groupe religieux proche, dans la doctrine, des Cathares et considérés comme hérétiques par le pouvoir.

Est-ce le souvenir de ces sombres années? Le Lubéron semble ne rien attendre de l’extérieur, même si ses ressources propres sont modes­tes. Hélas, des visiteurs de plus en plus nom­breux y ont été attirés depuis une décennie, au point que la création d’un Parc Naturel Régional, créé en 1977, est devenue nécessaire. Si l’approche automobile reste possible, seules les randonnées pédestres permettent aujourd’hui de se déplacer au cœur de la montagne. Les itinéraires en valent la peine. L’Auberge de Jeunesse de Saignon, à quel­ques kilomètres d’Apt, peut utilement servir de point de ralliement aux marcheurs. Les conseils avisés – et les publications – de Claude et François Morenas, responsables de l’Auberge et excellents connaisseurs du Lubéron, sont d’une grande utilité.

 

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