c. La vieillesse et la mort

 

Si on excepte quelques grandes villes, la Provence a conservé son mode de vie villageois. De plus, les familles sont traditionnellement plus nombreuses que dans le nord de la France. Ces deux raisons font que la vieillesse se passe plus souvent en famille (ou même seul, dans une maisonnette vil­lageoise, le climat tempéré et la solidarité des voi­sins aidant) que dans des homes spécialisés. La clémence des saisons facilite aussi le maintien du contact avec la collectivité puisqu’il est aisé de se rencontrer en plein air, sur le terrain de boules, au marché, au bord des places ombragées de plata­nes et équipées de bancs ou, plus généralement, sur le pas de la porte.

A la campagne, les travaux des champs appelant parfois les parents loin de la maison, les grands‑parents conservent un rôle important dans l’édu­cation et, devrait-on dire, l’édification des petits-enfants. Ce sont eux qui maintiennent vivaces, par leurs récits de l’après-midi, les contes et légen­des qui ont disparu des veillées. Eux aussi qui apprennent aux gamins nombre de jeux, devinet­tes et comptines. Il serait intéressant de noter que ces comptines sautent parfois une génération, preuve qu’elles passent de grands-parents à petits-enfants en négligeant la génération intermédiaire.

La mort, elle aussi, a gardé dimension humaine. On meurt plus fréquemment à la maison qu’à l’hôpital et on meurt rarement dans la solitude.

Le moribond est très entouré. Lorsqu’il est sur le point de trépasser, la plus âgée des personnes présentes décroche le cierge suspendu au-dessus du lit, le rameau d’olivier et le laurier bénit, puis signe le mourant à la hauteur du front avec le cierge allumé, avant d’ouvrir la fenêtre pour que l’âme puisse s’envoler vers Dieu.

Puis les voisins et amis, laissant les proches à leur recueillement, se chargent d’avertir les villageois et la parenté lointaine. Certains vont ainsi de mai­son en maison tandis que d’autres rédigent lettres et télégrammes. Dès lors, les visites sont nom­breuses et ne prennent fin qu’avec les funérailles, précédées de deux veillées funèbres au cours des­quelles les plus proches parents du défunt, revêtu de son plus bel habit, se relaient aux côtés du cercueil ouvert, tandis qu’amis et parents éloignés se retrouvent et restent dans une pièce voisine.

A noter qu’au douzième siècle, en Arles, le der­nier voyage prenait parfois d’étranges tournures. Le cimetière des Alyscamps, qui avait eu aux premiers temps de la chrétienté le privilège d’être béni par saint Trophime, était fort convoité par les mourants et leur famille. Mais la place y était comptée et surtout, pour ceux qui habitaient en amont du Rhône, singulièrement sur la rive oppo­sée, le chemin était long, poussiéreux et périlleux. Aussi les habitants avaient-ils pris l’habitude d’enfermer le corps du défunt dans un tonneau, en y joignant la somme correspondant aux droits d’ensevelissement, et de déposer le tout dans le fleuve. Une anse du Rhône retenait, paraît-il, ce surprenant navire dans ses tourbillons, près des Alyscamps, jusqu’à ce que les pré­posés au cimetière le retirent de l’eau et donnent sépulture au mort. Touchant voyage!

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