Un peu partout dans le monde, on se paie votre tête. A Bontoc ou Sadanga (île de Luçon, Philippines), on la coupe. Longue tradition. Ouvrage patiemment remis sur le métier. Plaisir rituel, obligation sociale. Voilà moins d’une génération, il eût été impossible à un homme – pardon, un guerrier – de trouver femme s’il n’avait arboré, pendues à sa ceinture, deux ou trois mâchoires.
La recette mériterait de figurer dans le Gault et Millau:
- Choisir un guerrier d’un village voisin-et-néanmoins-ennemi.
- Profiter d’une de ses sorties dans la forêt (cueillette, chasse, etc.) pour le surprendre.
- Faire siffler la machette. Le plus rapide aura le plaisir de cuisiner l’autre.
- Laisser le corps sur place, mais ne pas oublier la tête.
- La faire bouillir longtemps, à feu doux.
- Lorsque les cartilages sont complètement ramollis, ôter le maxillaire inférieur.
- Le percer d’un trou et l’attacher à sa ceinture.
- Prendre femme.
- Eviter les promenades en forêt (cueillette, chasse, voir paragraphe 2).
On coupe moins de têtes aujourd’hui dans la région de Bontoc. Si bien que les Igorots, principale tribu du lieu, ont de bonnes chances d’être portés entiers à leur dernière demeure. Demeure peu banale au demeurant, une caisse de bois très dur, hissée par quelques Igorots-alpinistes au flanc d’un à-pic de plus de cent mètres, et laissée là jusqu’à ce que l’éternité s’épuise…
Sœur Basile est arrivée à Bontoc dans les années 20. Première Blanche et, à plus forte raison, première Belge. Elle a conservé sa tête pour l’avoir gardée froide, mais il s’en est fallu d’une courte tête. Elle en tremble – et en rit – encore.
Pour commémorer chrétiennement ces temps difficiles, elle conserve pieusement, dans sa cellule, six crânes de Japonais (sans mâchoire) qui ont eu moins de chance qu’elle, j’en mettrais ma tête à couper.