Ma tête à couper

 

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Un peu partout dans le monde, on se paie votre tête. A Bontoc ou Sadan­ga (île de Luçon, Philippines), on la coupe. Longue tradition. Ouvrage patiemment remis sur le mé­tier. Plaisir rituel, obligation so­ciale. Voilà moins d’une géné­ration, il eût été impossible à un homme – pardon, un guer­rier – de trouver femme s’il n’avait arboré, pendues à sa ceinture, deux ou trois mâchoi­res.

La recette mériterait de figu­rer dans le Gault et Millau:

  1. Choisir un guerrier d’un vil­lage voisin-et-néanmoins-en­nemi.
  2. Profiter d’une de ses sorties dans la forêt (cueillette, chasse, etc.) pour le sur­prendre.
  3. Faire siffler la machette. Le plus rapide aura le plaisir de cuisiner l’autre.
  4. Laisser le corps sur place, mais ne pas oublier la tête.
  5. La faire bouillir longtemps, à feu doux.
  6. Lorsque les cartilages sont complètement ramollis, ôter le maxillaire inférieur.
  7. Le percer d’un trou et l’atta­cher à sa ceinture.
  8. Prendre femme.
  9. Eviter les promenades en fo­rêt (cueillette, chasse, voir paragraphe 2).

On coupe moins de têtes au­jourd’hui dans la région de Bontoc. Si bien que les Igorots, principale tribu du lieu, ont de bonnes chances d’être portés entiers à leur dernière de­meure. Demeure peu banale au demeurant, une caisse de bois très dur, hissée par quel­ques Igorots-alpinistes au flanc d’un à-pic de plus de cent mè­tres, et laissée là jusqu’à ce que l’éternité s’épuise…

Sœur Basile est arrivée à Bontoc dans les années 20. Pre­mière Blanche et, à plus forte raison, première Belge. Elle a conservé sa tête pour l’avoir gardée froide, mais il s’en est fallu d’une courte tête. Elle en tremble – et en rit – encore.

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Pour commémorer chrétien­nement ces temps difficiles, elle conserve pieusement, dans sa cellule, six crânes de Japonais (sans mâchoire) qui ont eu moins de chance qu’elle, j’en mettrais ma tête à couper.

 

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