Les Etats de Provence, convoqués dès janvier 1482, adoptent des statuts selon lesquels l’union de la Provence à la France est réalisée sur pied d’égalité. La Constitution provençale, qui reconnaît au roi de France le titre de comte de Provence, prévoit d’ailleurs une grande autonomie administrative.
Mais Louis XII et, plus encore, François Ier, se font de la France une idée pour le moins centralisatrice. Aussi le double pouvoir local, gouverneur contre sénéchal, leur est-il rapidement insupportable. De plus, la guerre menée contre Charles Quint, qui envahit la Provence à deux reprises, amène son lot de souffrances et pousse le roi de France à resserrer encore les liens avec sa nouvelle province. Peu à peu, la Provence cesse donc de se présenter comme un état à part dans l’hexagone. L’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), stipulant la rédaction en langue française de tous les actes juridiques, monte bien quels sont les desseins du pouvoir central.
Les guerres de religion touchent aussi, cruellement, la Provence. Visant d’abord les Vaudois et les Cathares, les persécutions s’abattent bientôt sur les protestants. Des massacres odieux sont perpétrés, comme celui de Mérindol et des villages environnants, où toute la population est assassinée.
L’avènement de Richelieu ne fait qu’accroître l’emprise du nord. Puis le règne de Louis XIV parachève le tout. Une révolte populaire est brutalement matée à Marseille. Le temps des marchandages et des intimidations respectives s’achève. Ce que la royauté exige désormais de la Provence, c’est l’obéissance absolue.
Depuis cette date (1660), les chroniques provençales ne font plus allusion à rien qui ne soit français plutôt que local. Si la situation économique s’améliore malgré deux épidémies de peste, le tempérament des Provençaux, lui, semble avoir disparu.
Pourtant, la Provence se donne avec ardeur à la Révolution de 1789. En attend-elle, outre la suppression de flagrantes inégalités, un regain d’autonomie? Et cet espoir déçu explique-t-il le revirement royaliste qui se fait jour après 1792? Toujours est-il que des «sections» sont mises sur pied pour faire face aux représentants des Jacobins, dont certains sont emprisonnés. Plus grave, Toulon se soulève et réclame la proclamation de Louis XVII.
La réaction des révolutionnaires n’est pas différente de celle des rois: répression. On notera pour l’anecdote que la reprise de Toulon est le premier exploit militaire d’un certain Napoléon Bonaparte, ce qui explique peut-être, au cours des décennies suivantes, le rejet provençal à l’endroit du Consulat et de l’Empire.
Après la chute de Napoléon, en 1815, la Provence semble manifester des convictions souvent contradictoires et toujours extrémistes. Deux tendances cohabitent sans vraiment s’affronter, un mouvement «socialisant» d’une part avec l’appui massif aux «rouges» de Ledru-Rollin, en 1849, et, d’autre part, la création du Félibrige qui, sous l’impulsion de Mistral, Roumanille et quelques autres intellectuels, prône un retour à la tradition, encourage la pratique de la langue provençale et ne fait pas mystère de ses sympathies royalistes. Nous reviendrons largement, dans un chapitre suivant, sur l’importance de Mistral et du Félibrige dans la renaissance culturelle de la Provence.
Encore faut-il, à l’aube du XXème siècle, évoquer l’état de l’économie provençale. De petites manufactures ont vu le jour (parfums à Grasse, poteries à Aubagne, savonneries à Marseille). Le développement du chemin de fer et de la vapeur conditionne un fort développement des houillières et des exploitations forestières. A Marseille, de grandes fabriques de produits chimiques, des minoteries, des huileries, des raffineries de sucre, voient le jour. En plusieurs points du littoral, les réparations et constructions navales occupent un nombre croissant de travailleurs. L’arrière-pays et, plus encore, les régions de montagne, se dépeuplent. De 150 000 habitants que comptait le département des Basses-Alpes, il n’y en aura plus que 85 000 en 1936!
Les nouveaux développements économiques, dans la première partie du XXème siècle, y sont pour beaucoup. L’essentiel des activités se concentre en effet dans la basse vallée du Rhône (fruits, primeurs, vin) et à proximité de Marseille (hydrocarbures, activités portuaires). Certes, l’utilisation des hautes-vallées provençales pour la production hydro-électrique apporte quelques richesses à ces régions partiellement abandonnées. Mais, passé le temps de la construction, les barrages ne requièrent pas de main-d’œuvre.
Elitaire dans les années vingt, populaire avec les premiers congés-payés de 1936, massif et international avec le boom économique des années cinquante, le tourisme va modifier largement les données économiques et même humaines de la Provence. Nous y reviendrons.