Dans les montagnes, à 150 km de Guatemala City, Chichicastenango est sans doute l’un des lieux les plus étonnants du Guatémala. Pour les historiens, les explorateurs, les archéologues, il existe certes des sites autrement importants mais pour quiconque veut en quelques jours imaginer ce que pouvait être la vie des Indiens d’Amérique centrale avant l’arrivée de l’homme blanc, Chichicastenango est vraiment la révélation.
La ville est tirée au cordeau et le centre de la vie indigène se trouve entre les deux églises, construites par les Espagnols et très abîmées par le tremblement de terre de 1076. Le jeudi et le dimanche, jours de marché, c’est là, sur les quelque 200 mètres séparant l’église de St Tomas de celle du Calvaire, que se réunissent les Indiens.
Les stands improvisés regorgent de bananes à cuire, de radis, de tomates, de graines de toutes sortes , de crevettes et de poissons séchés, de légumes, de chapeaux, de ceintures, et de milliers de boites de conserve, vides, reconverties par la main de l’homme en seaux, gamelles ou lampes à pétrole.
Les Indios, qui viennent acheter ou vendre, sont descendus des collines voisines. De ces collines où, devant une pierre sacrée, ils allument des bougies et sacrifient leurs plus beaux coqs au rite ancestral.
A Chichicastenango, ils entrent dans l’église en portant un encensoir fait d’une boite de conserve ainsi qu’un fagot de bougies et quelques fleurs. Des roses dont les pétales joncheront le sol entre les bougies allumées. Rituel païen dans l’église catholique. Une vieille femme à genoux élucubre, hagarde, des patenôtres dans une langue inconnue. Un homme, visage ravagé par l’alcool ou la maladie, reprend ses supplications.
Un cercle se forme autour des bougies. Incantations à voix basse, bougies qu’on se passe pour aller former un nouveau cercle, un peu plus loin. Sur le perron, un feu a été allumé, sur lequel les participants jettent de l’encens. De grosses femmes vendent des brassées de fleurs aux nouveaux arrivants . Deux ou trois Indios se lèvent, quittent les marches et traversent lentement la place jusqu’aux marches de l’église du Calvaire, insensibles aux marchands, aux acheteurs et aux trop nombreux touristes.
Au Guatemala, les Indios sont en nette majorité, ce qui n’empêche pas le pays d’être dirigé – et les grandes entreprises gérées – par les seuls Blancs descendants des colons espagnols On les appelle ici les latinos. Les deux mondes se côtoient et s’ignorent. A Chichicastenango, par exemple, les Indios sont censés obéir aux mêmes lois, aux mêmes autorités mais en fait, ils reconnaissent d’autres chefs. D’abord le Chichicahao, prêtre du rituel chichi.
Les croyances des Indios sont bien définies et s’adressent à des esprits, plantes, animaux, qui sons les représentants su du seul vrai dieu, le soleil. C’est que les chichis sont d’authentiques représentants des Mayas. Le Chichicahao, le prêtre, est bien sûr indio. Pourtant, dans les années trente, il y eut pendant quelque temps un chichicahao venu, je vous le donne en mille… d’Allemagne.
Les Indios n’obéissent pas aux gendarmes ou aux agents du pouvoir mais à l’auxiliatura indigena, les auxiliaires indigènes , sorte de gardes communaux, indios eux-mêmes.
Il est même une période où les chichis n’obéissent plus à personne ! Du 18 au 21 décembre, c’est la fête annuelle à Chichicastenago. 10.000 litres d’aguardiente vendus en quatre jours. Vous imagines le tableau. Mais les chichis ne sont pas violents et tout rentre dans l’ordre, dès le 22, jusqu’à l’année suivante.