n. Claude Lefèvre

Sur la minuscule île de Gorée, à l’Université des Mutants comme sur la petite plage installée au pied des remparts, c’est l’heure de la séparation. Solennelle, grave et touchante. Claude Lefèvre consigne les instants les plus denses, les sentiments les plus profonds :

L’UNIVERSITÉ DES MUTANTS

L’Université des Mutants ? Drôle de nom pour une étonnante université qui garde dans ses fonctions l’espoir d’un rapprochement de toutes les cultures du monde. Créée à l’initiative de personnalités comme Léopold Senghor, Roger Garaudy, Aimé Césaire, don Helder Camara et tant d’autres, elle reste aujourd’hui encore un lieu de travail, de réflexion et de rencontres où s’enrichissent mutuellement les cultures, en accueillant étudiants, chercheurs, artistes et intellectuels du monde entier.

L’embarcadère de Gorée, après les pluies torrentielles de la nuit, ressemble à un marécage quand la chaloupe présidentielle accoste au bout de celui-ci. Le soleil est déjà très haut dans ce ciel bleu et la chaleur commence à faire suer tous les Blancs alentour.

C’est le plus dignement possible que le ministre sénégalais de l’Éducation nationale et différents membres du gouvernement, les pieds dans l’eau, franchissent les quelques dizaines de mètres de ponton où nous les accueillons en présence du président de Médecins du Monde, du maire de Nantes, du maire de Gorée. La chaleur est telle que le protocole fond, les vestes s’enlèvent, et les cravates se dénouent. Arrivée à l’Université des Mutants, au bout de l’île, sur le chemin du fort, ornée de chaque côté de la porte de grands logos MDM. Les enfants de la rencontre de Gorée sont accueillis par une troupe d’enfants qui entonne un chant de fraternité mi-ouolof, mi-français, dans cette petite cour qui, tout en ayant accueilli tant de manifestations pour la paix de ce monde, se trouve pour la première fois intimidée de tant d’émotion.

Chant d’accueil des enfants de Gorée à l’arrivée au Mutant

Nous, décideurs de demain, nous appelons tous les enfants du monde à s’unir à nous afin de bâtir un monde meilleur basé sur l’amour de son prochain.

Dans la grande salle d’honneur, au premier étage de l’université, la chaleur est encore plus accablante mais n’entame pas la solennité de l’instant. Après le discours très officiel du représentant du comité de gestion, et le discours plus émouvant du président de Médecins du Monde, les enfants, tour à tour, lisent la synthèse de leurs travaux. La salle est pleine. Les enfants, graves dans leurs rôles de porte-parole, offrent au ministre de l’Éducation nationale du Sénégal l’avant-première du texte qui sera lu à New York après les travaux de Fort-de-France.

Le visage sérieux, celui-ci répond avec une vive émotion qui teinte son discours d’une profonde sincérité :

« Chers Enfants du Monde, votre séjour parmi nous va bientôt prendre fin, ce qui va certainement apporter une note de tristesse à nos adieux. Nous nous consolons cependant, ayant en tête la noble mission qu’en tant que messagers de la paix et de la concorde pour les enfants du monde, ambassadeurs accrédités de vos pays respectifs, vous allez voguer avec votre voilier, le Vendredi 13, pour débarquer à New York, non une cargaison d’esclaves malades, enchaînés, au regard hâve et aux yeux battus par le désespoir, mais le texte de vos réflexions afin que tous les enfants du monde aient le droit à la parole, le droit à l’éducation, le droit à la santé, le droit au logement, le droit à l’eau potable, et à une alimentation équilibrée.

« L’importance de ces enjeux explique l’honneur et le privilège que le chef de l’État, Son Excellence Abdou Diouf, le gouvernement et le peuple sénégalais tout entier à vous avoir sur notre sol. Votre choix du Sénégal et plus particulièrement de Gorée, l’île aux esclaves devenue aujourd’hui île des droits de l’enfant, ne saurait étonner quand on sait le rôle de pionnier que joue notre pays comme précurseur de la démocratie en Afrique.

« C’est pourquoi, au nom du chef de l’État, Son Excellence Abdou Diouf, je tiens à vous remercier pour le travail remarquable et hautement utile aux peuples du monde entier que vous venez d’effectuer en terre sénégalaise. Puisse votre message être entendu par tous les pays épris de justice et de paix.

« Enfants du Monde ! je suis sûr que votre grand voyage fera date dans l’histoire de l’humanité et je vous remercie. »

 

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