17 La Révolution n’a pas eu lieu

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En 1985, quatre ans avant la Révolution roumaine, l’ONU avait décidé de confier à Dumitru Mazilu,  haut-fonctionnaire du Ministère roumain des Affaires étrangères, la rédaction d’un rapport sur les Droits de l’Homme dans le monde.

Le choix peut paraître curieux, la Roumanie d’alors n’étant pas connue pour un attachement particulier à de telles valeurs et la loyauté de Mazilu à l’endroit du pouvoir communiste n’ayant guère été mise en défaut jusque là.

Mazilu mène pourtant l’enquête avec rigueur et méticulosité. De retour dans son pays, il s’apprête à transmettre son rapport aux Nations-Unies lorsque la Securitate apprend, sans doute sur dénonciation, qu’il contient un chapitre extrêmement sévère sur l’état des libertés individuelles en Roumanie.

Dès cet instant, Mazilu est isolé, assigné à résidence, privé de tout contact avec l’extérieur. Personne ne sait même s’il est encore en vie. Au début de 1989, il  parvient cependant enfin à faire passer clandestinement son rapport à Genève, rapport qui est officiellement publié par les Nations-Unies le 10 juillet. Mazilu reste invisible. Quatre diplomates occidentaux venus lui rendre visite sont éconduits par la police. Son cas est porté devant la Cour Internationale de Justice de La Haye, qui condamne l’attitude de Bucarest.

Le 15 décembre 1989, donc à la veille de la Révolution, Mazilu et sa famille toujours assignés à résidence sont enlevés à leur propre domicile et emprisonnés à l’autre bout du pays. Que serait-il advenu d’eux si le cours de l’Histoire n’avait basculé à ce moment-là? On ne le saura sans doute jamais. La Révolution éclate et quelques jours plus tard, tel le diablotin sorti d’une boîte, Mazilu réapparaît triomphalement aux côtés du nouveau maître de la Roumanie, Ion Iliescu. Il devient vice-président du Conseil du Front de Salut National mais s’en retirera avec fracas, un mois plus tard, accusant Iliescu et ses amis de maintenir des pratiques staliniennes au sommet de l’Etat.

L’histoire personnelle de Dumitru Mazilu illustre à la fois la chape de plomb que Ceausescu faisait régner sur la Roumanie et les questions qu’on est en droit de se poser à propos de son successeur, Ion Iliescu. Révolutionnaire de la dernière heure? Authentique stalinien ? Grand manipulateur ? Fieffé menteur ? En fait, tout indique que cette Révolution a été la face visible d’un coup d’Etat fomenté depuis plusieurs mois par des conjurés désireux d’éliminer Ceausescu sans pour autant mettre fin au communisme. Les seuls qui puissent croire pour toujours à la pureté de la Révolution roumaine dorment six pieds sous terre, dans le Cimetière des Héros. Car la Révolution, même si elle a été une gigantesque manipulation, a fait dans les premiers jours de nombreuses victimes innocentes.

Certains voudraient continuer à croire à la spontanéité de « leur » Révolution. Les autres savent que la mise en scène, cynique, précise et meurtrière, a fonctionné au-delà de toute espérance. Elle a permis à un quarteron de dignitaires communistes, longtemps agenouillés aux pieds des Ceausescu, de s’installer dans ses ors en se faisant passer pour des libérateurs. Cette funèbre mascarade marquera pour longtemps la mémoire des Roumains et l’image du pays au-delà des frontières.

Pour comprendre ce qui s’est passé en décembre 1989,  entre les premières manifestations de Timisoara et l’exécution des époux Ceausescu, il faut se rappeler à quoi ressemblait l’Europe de l’Est à la fin des années quatre-vingts.

En 1986, un an après son accession au pouvoir en URSS, Mikhail Gorbatchev lance la glasnost et la perestroïka initialement destinées à rénover et libéraliser les vieilles structures du Parti mais qui lui échapperont rapidement pour aboutir à la disparition du communisme en Russie. Dès lors, le feu couve dans toutes les « démocraties socialistes » tombées dans l’escarcelle de Moscou après les accords de Yalta en février 1945.

C’est en 1989 que les anciennes structures commencent à s’effondrer. Partout ou presque… En février, le PC hongrois autorise le multipartisme ; en avril, le pouvoir polonais accepte de négocier avec les contestataires de Solidarnosc ; dès juillet, dans la plupart des pays du Bloc de l’Est, les mouvements populaires ébranlent pacifiquement le pouvoir des anciens maîtres ; le Rideau de fer est démantelé à la frontière entre Hongrie et Autriche ; à Budapest, on réhabilite Imre Nagy, le « contre-révolutionnaire » qui avait inquiété Moscou au point de provoquer la brutale et sanglante intervention soviétique ; à Strasbourg, Gorbatchev évoque la « maison commune européenne » ; la Pologne se dote d’un premier ministre non communiste ; en Allemagne de l’Est, Erich Honecker abandonne le pouvoir ; à Leipzig, 300.000 personnes réclament la fin du communisme ; le mur de Berlin tombe ; en Bulgarie, Todor Jivkov est limogé ; la « révolution de velours » est victorieuse.

Et en Roumanie ? En Roumanie, rien ! Du moins jusqu’à la veille de Noël.

La première révolte « surprise » de Timisoara éclate le 17 décembre. Surprise, vraiment ? Pas pour tout le monde. Trois jours plus tôt, alors que tout semble encore calme, Ceausescu s’apprête à se rendre en visite officielle en Iran. Avant de partir, il donne ses consignes au Bureau permanent du Comité politique, organe exécutif chargé de prendre toute décision en son absence :

« Plus aucun des pays socialistes voisins n’est digne de confiance. (..) Tout ce qui se passe en Allemagne, en Tchécoslovaquie et maintenant en Bulgarie – comme par le passé en Pologne et en Hongrie – est organisé par l’Union soviétique avec l’aide des Américains et de l’Occident [2]».

A Bucarest, une blague circule. A la fin de leur dernière rencontre avec Gorbatchev, Nicolae et Elena semblent perplexes.

– Je crois qu’il est vraiment mal en point, dit Nicolae.

– Pourquoi donc, demande Elena ?

– En me serrant dans ses bras, il m’a dit à voix basse : « Adieu Nicolae, nous ne nous reverrons plus ».

A Timisoara, une situation insolite se développe depuis plusieurs semaines. Un pasteur protestant appartenant à la minorité hongroise, Lazlo Tökes, a reçu de sa hiérarchie un ordre de mutation dans un petit village de montagne. Lors de ses sermons, il annonce sa volonté de s’opposer à cette décision. Le pasteur s’accroche, dénonce, bat le rappel de ses ouailles. Mais la Securitate, pourtant habituée à remettre immédiatement au pas le plus petit récalcitrant, n’intervient pas. Bizarre ! Une rumeur invérifiable se répand : « Ils vont l’arrêter le 16 décembre ». Pour interpeller sans coup férir un homme qui commence à faire figure de héros, mieux vaudrait s’y prendre dans la semaine, et discrètement, c’est-à-dire lorsque les gens sont au travail. Eh bien non ! Le 16 est un samedi, les partisans de Tökes ont congé et chacun sait déjà qu’il va se passer quelque chose !

La veille au soir, des centaines de personnes se sont rassemblées devant le temple. Le samedi matin, ils sont encore plus nombreux. Mais ni la police ni la Securitate n’interviennent. Le soir, encouragée par cet étonnant laxisme, la foule se met à scander le nom de Tökes puis s’enhardit : « Jos comunismul ! Jos Ceausescu ! Libertate ![3] » Au même moment, dans une autre partie de la ville, la mairie et le siège du Parti communiste sont attaqués, investis et saccagés par des groupes de jeunes dont on ne saura jamais s’ils on ou non agi de manière spontanée.

Le lendemain, le Comité politique se réunit à nouveau, en urgence cette fois. Ceausescu n’est pas encore parti pour Téhéran. Il fulmine car il prend conscience que par faiblesse, bêtise ou machiavélisme, les forces de l’ordre ne lui obéissent plus vraiment :

« – Les forces du ministère de la Défense nationale ainsi que celles du ministère de l’Intérieur ont eu une attitude défaitiste, capitularde. (..) Mon impression est que les unités du ministère de l’Intérieur n’ont pas été armées.

Elena Ceausescu :

– Elles n’ont pas été armées, affirme Elena.

Nicolae Ceausescu :

– Pas armées ! s’étonne Ceausescu.

– A l’exception des gardes-frontière. Les autres n’étaient pas armés, confirme Tudor Postelnicu[4] :

– Et pourquoi ? J’ai demandé que tout le monde soit armé. Pourquoi les avoir envoyés désarmés ? Qui en a donné l’ordre ? Elles ont des armes, elles disposent d’automobiles et de tout le matériel, et vous les envoyez se battre à coups de poings. Vous n’avez pas exécuté mes ordres ! »

La situation est grave et pourtant, le lendemain, Ceausescu part pour Téhéran comme si de rien n’était ! Inconscience ? Provocation ? A moins que la Securitate, au-delà des premiers événements de Timisoara, ne lui ait soigneusement caché la situation réelle du pays… Sait-il seulement qu’à Timisoara, des dizaines de « touristes » russes sont descendus dans le principal hôtel de la ville ? Sait-il que, dès le début des affrontements, ils photographient tout ce qui se passe, sous l’œil bienveillant de la Securitate ? Etranges touristes ! A l’époque, quiconque se serait amusé à photographier un policier, un militaire, un bâtiment public, se serait immédiatement retrouvé au poste de police. Pourquoi ces agents soviétiques déguisés en simples voyageurs se trouvaient-ils justement dans la ville avant même que ne débute la Révolution ? Et comment se fait-il que les agents de la Securitate roumaine ne les aient pas interceptés s’ils n’étaient pas de mèche ?

Au soir du 17 décembre, à Timisoara, tout s’accélère. L’armée et la police tirent sur la foule réunie entre l’opéra et la cathédrale orthodoxe. Il y a sans doute une trentaine de morts et autant de blessés. Le lendemain, les grandes agences de presse occidentales, qui ne disposent d’aucun correspondant sur place et n’ont aucun moyen de se renseigner (les frontières sont fermées, le téléphone coupé ) diffusent aux quatre coins de la planète des informations faisant état de plusieurs centaines de victimes : « La police anti-émeutes a essayé de disperser la manifestation et un bain de sang a commencé ! ». Elles se basent sur les dépêches de l’agence de presse officielle hongroise, dont elles se méfiaient pourtant depuis toujours à juste titre. Dans tous les pays de l’Est,  ces agences étaient en effet au service de la propagande et de la contre-information du régime. La Hongrie ex-communiste serait-elle devenue aussi rapidement, perestroïka aidant, le paradis de la démocratie et de la liberté d’expression ?

En reprenant ces informations plus que suspectes sans citer leur source, les agences occidentales les accréditent. Le monde entier s’en empare et dès lors, sans avoir eux-mêmes un accès direct à Timisoara, journaux, radios et télévisions vont se livrer à une incroyable surenchère sur le nombre des victimes et la nature des massacres.

Envoyés de villes voisines à la demande de Bucarest, dix-mille membres de la garde patriotique arrivent à la gare de Timisoara mais en repartent aussitôt, sans s’être même approchés du lieu des manifestations… Comportement incompréhensible à l’heure où, sur la place centrale de la ville, les manifestants se sont emparés de la sono officielle et scandent à tue-tête « Jos Ceausescu, jos comunismul ! ».

Reste à transformer cette révolte en Révolution. Ceausescu est certes un tyran, mais pas un tyran sanguinaire. Il faut donc lui coller une étiquette de monstre pour le déconsidérer définitivement. Ce sera fait trois jours plus tard lorsqu’une fois  parvenus en Roumanie, les premiers envoyés spéciaux occidentaux décriront sans la moindre suspicion le « charnier de Timisoara ». Des cadavres tordus, blanchâtres, entaillés, recousus, ficelés ; un bébé mort sur le ventre de sa mère… L’horreur ! Ce charnier nous obsèdera longtemps, preuve accablante mais manipulée d’un faux génocide.

Mais qui étaient donc les manipulateurs ? On ne sait toujours pas aujourd’hui qui a donné l’ordre d’exhumer et d’exposer des cadavres recousus – donc préalablement autopsiés – dont l’état aurait dû nous alerter : ils ne pouvaient provenir que d’un hôpital ou d’un institut de médecine légale.

Rentré de Téhéran le 20 décembre, Ceausescu prononce le soir même une allocution dans laquelle il condamne les menées des « ennemis du socialisme ». Persuadé que les Roumains lui vouent toujours adoration et reconnaissance, il entend bien reprendre la main. Il lui faut organiser au plus vite un grand meeting de soutien pour montrer au peuple que les mécontents ne représentent qu’une infime minorité de contre-révolutionnaires téléguidés par l’étranger.

Le meeting est prévu pour le lendemain à 14 heures devant le siège du Comité central, en plein centre ville. La télévision roumaine est bien sûr convoquée pour couvrir l’événement. Et en direct, s’il vous plaît ! Cent mille travailleurs devront se réunir « spontanément » pour acclamer le « Danube de la Pensée ».

Le voici, Nicolae Ceausescu, au balcon du Comité Central. Elena se tient à ses côtés, ainsi que quelques membres du Comité central. Il commence son discours mais… quelques instants plus tard, la foule se met à le conspuer. Face à l’inimaginable, le visage du Conducator se fige, se décompose.

S’agit-il réellement de huées ? Avec plusieurs spécialistes des comportements de foule, nous avons écouté et réécouté la bande sonore de cet instant historique. Conclusion : les premiers cris ne sont pas des cris de désapprobation mais des cris de peur. A un moment précis, quelque chose s’est comme détraqué sur la place : affolée, la foule s’est mise pousser des cris aigus évoquant davantage le sauve-qui-peut que la révolte. Plusieurs participants ont d’ailleurs confirmé cette analyse et ajoutent que derrière – en direction de l’ancien palais royal qui fait face au balcon du Comité central – les gens ont soudain entendu des claquements secs semblables à des rafales de petit calibre. Quelques personnes, des femmes, se sont d’abord mises à crier, des cris qui ont créé la panique parmi les autres.

Qui a tiré ? Apparemment personne et, de toute manière, personne n’a été touché. Alors ? Alors l’hypothèse la plus crédible est celle d’un ou plusieurs chapelets de pétards installés sans doute en hauteur à l’arrière du rassemblement et commandés à distance. Si tel est bien le cas, qui donc-a-t-il pu mettre en place ce stratagème sans attirer l’attention de la Securitate, sinon la Securitate elle-même ?

Tel un pantin médusé, Ceausescu scrute la foule affolée, lève le bras pour tenter d’enrayer la panique, obtenir le silence et reprendre son discours. La télévision roumaine se fige sur cette image puis interrompt son programme.

Elle le reprend quelques minutes plus tard. Ceausescu est toujours au balcon. Il parle par saccades, d’une voix encore plus éraillée qu’à l’accoutumée. Il promet tout et n’importe quoi à ces Roumains qui, maintenant, le conspuent effectivement. Ils viennent de voir le mythe s’effondrer d’un coup, le conducator hésiter, bégayer puis se taire. Ils ont vu  les forces de l’ordre ne pas intervenir, le guide suprême enchaîner des gestes saccadés, piteux, comme abandonné de tous. Alors oui, ils crient maintenant leur haine et leur dégoût. Maintenant seulement… Comme par hasard, la télévision a repris son émission et diffuse ces images en direct. Etonnamment, il ne se trouve personne, ni la régie centrale de l’unique Télévision d’Etat ni dans les différents réémetteurs répartis à travers tout  le pays, pour interrompre la transmission.  Comme si cet épisode apparemment impromptu appartenait en réalité à un ballet parfaitement réglé, chacun dans son rôle et sous les ordres d’un metteur en scène génial. La Révolution est lancée. Elle ne s’arrêtera plus.

Il est plus que probable que la Securitate ou quelques groupes restreints de sécuristes de haut niveau soient à l’origine de cette mise en scène. Pourtant l’armée n’en sait toujours rien… Ordre est donc donné aux blindés de foncer vers la foule et de tirer. A balles réelles. L’affolement puis la panique saisissent les dizaines de personnes encore présentes sur la place. Quelques morts, des dizaines de blessés et la peur de leur vie pour tous les autres. Des rues adjacentes, de nouveaux manifestants convergent vers le centre. Ceux-là ont sans doute regardé la télévision ou ont été prévenus par des amis. Ils ont compris que s’il existe une seule chance de renverser Ceausescu, c’est maintenant.

Des tracts anti-Ceausescu circulent. Des tracts ! Depuis l’aventure de Radu Filipescu, on sait que l’impression de tels documents relève de l’exploit. La détention d’une machine à écrire est toujours soumise à déclaration préalable, la possession d’une photocopieuse strictement interdite. Quant aux imprimeries d’Etat, impossible d’y faire fabriquer le plus petit feuillet, sinon avec la complicité de la Securitate. Curieusement, l’agence officielle soviétique Tass, traditionnel nid d’espions au service du Kremlin, fait aussitôt état de ces tracts et de leur contenu. Si rapidement qu’on est en droit de se demander si elle n’en a pas eu connaissance bien avant qu’ils ne soient distribués.

Le vendredi 22 décembre à 12h05, le poète « maudit » Mircea Dinescu annonce au pays et au monde la chute du tyran. Quelques minutes plus tôt, un hélicoptère a emporté le conducator et sa femme vers leur sombre destin, décollant du bâtiment du Comité Central dans des conditions rappelant étrangement l’ultime fuite des dignitaires vietnamiens sauvés quinze ans plus tôt à Saigon par les hélicoptères américains.

Ceausescu n’a jamais été très intelligent mais il est tout sauf lâche, on le verra bientôt lors de son « procès ». Pourquoi accepte-t-il de prendre place à bord de cet appareil ? Si en l’exécutant quatre jours plus tard on ne l’avait à jamais hélas empêché de parler, il nous aurait sans doute appris avec quels arguments le général Stanculescu, déjà présent à Timisoara et à qui il avait confié la responsabilité de la répression, l’avait convaincu de s’envoler vers une base secrète d’où il pourrait reprendre son pays en main. Quelques jours plus tard, on retrouvera ce même général Stanculescu, ancien fidèle parmi les fidèles, parmi les membres du tribunal d’exception chargé de « juger » Ceausescu, puis au sein du premier gouvernement « révolutionnaire ».

Lorsque les Ceausescu s’envolent à bord de l’hélicoptère de l’armée, Stanculescu reste dans le bâtiment du Comité Central. Alors que la ville est maintenant aux mains des insurgés et qu’il a sur les mains le sang d’un certain nombre d’habitants de Timisoara, il n’éprouve pas le besoin de se mettre à l’abri. Il se sait protégé par les agents en civil dispersés dans la foule. Dans le bâtiment, se trouve aussi le général Vlad, patron de la Securitate. Dans quelques dizaines de minutes, Ion Iliescu, Petre Roman et quelques autres anciens dignitaires communistes pourront faire leur entrée et jurer la main sur le cœur qu’ils se mettent au service de la Révolution et du peuple roumain.

Dans les rues de Bucarest, les patriotes épris de liberté sont descendus dans la rue, persuadés d’écrire l’Histoire. Au besoin avec leur sang. Ils en veulent particulièrement à ces agents de la Securitate qui ont hanté leurs nuits et qu’aujourd’hui ils traquent, ignorant que leurs chefs font partie de la conjuration. Pour sauver les sécuristes de la vindicte publique, il faut d’urgence détourner l’attention des manifestants vers une autre menace, inventée de toutes pièces et dont la crainte aura du même coup l’avantage de les faire rentrer chez eux: les « terroristes ».

La rumeur est partie d’on ne sait où mais elle s’est rapidement répandue dans la capitale, et même dans tout le pays. L’infâme Ceausescu avait, dit cette rumeur, recruté depuis des années des nervis prêts à tout pour le protéger. Selon certains, il s’agissait d’orphelins enlevés dès leur jeune âge et formés dans des unités spéciales. Selon d’autres, plusieurs centaines de ces terroristes étaient des hommes venus tout exprès du Proche-Orient où Ceausescu entretenait des liens privilégiés avec des personnages aussi sanguinaires que Saddam Hussein ou le célèbre Carlos.

Si ces hommes de l’ombre existent vraiment, s’ils sont effectivement des hommes d’actio prêts à tout pour protéger Ceausescu, ils doivent le prouver avant que la rumeur se dégonfle. C’est ainsi qu’à la nuit tombante, du haut de l’hôtel Athénée Palace tout proche de la place du Comité Central où se déroulent la plupart des manifestations, des salves de coups de feu éclatent soudain. Ceux des manifestants qui ont déjà récupéré des armes se joignent aux jeunes soldats ralliés et, la peur au ventre, visent maintenant la façade de l’hôtel. En particulier la corniche de la terrasse, d’où semblent partir les tirs les plus nourris. La télévision est présente et, au risque apparent de leur vie, les cameramen filment le combat. Les rafales se succèdent, les tireurs embusqués sur la terrasse semblent disposer de munitions inépuisables. Pourtant, il n’y aura pratiquement ni morts ni blessés parmi les Roumains accourus sur la place, hormis ceux qui dans le noir échangent des tirs entre eux, croyant avoir affaire à des ennemis ! Car les terroristes, eux, n’existent pas. Les salves venues de la terrasse étaient – sans doute comme les pétards ayant affolé la foule devant Ceausescu ébahi – de simples systèmes d’allumage à distance. Le lendemain, le jour revenu et les manifestants rentrés chez eux, les observateurs perspicaces en auront la preuve irréfutable : la façade de l’Athénée Palace est criblée d’impacts mais sur la place elle-même… aucune balle n’a perforé le macadam. Non, personne n’a tiré du haut de l’Athénée Palace !

Finalement, 1033 personnes (chiffre officiel publié en juin 1990) auront trouvé la mort pendant la Révolution. C’est beaucoup, c’est beaucoup  trop, et tous méritent leur place au cimetière des Héros car  ils ont effectivement pris tous les risques pour ce qu’ils croyaient être un combat pour la liberté.

L’hélicoptère de Nicolae et Elena Ceausescu n’est pas allé bien loin. Selon la version officielle, il aurait été obligé de se poser près de l’unique autoroute menant à Pitesti, faute de carburant. Nicolae et Elena auraient alors forcé un automobiliste à les prendre à son bord avant que la police les rattrape et les mette à l’abri, le temps de voir comment tournerait le vent de l’Histoire. Les époux Ceausescu auraient ensuite été livrés à l’armée qui les aurait amenés à la base militaire de Tirgoviste, lieu où un tribunal d’exception allait rapidement les condamner à mort pour « génocide » et ordonner leur exécution immédiate.

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Pourquoi si précipitamment ? Une fois encore, l’explication avancée met en cause les « terroristes », qui se seraient eux aussi lancés sur la piste des Ceausescu afin de les libérer. Hélas, la plupart des membres du tribunal savaient pertinemment que les terroristes étaient pure invention. Rappelez-vous aussi l’accusation de génocide, basée sur la découverte du faux charnier de Timisoara et l’évaluation invraisemblable des victimes du régime communiste et de la répression, « soixante-quatre mille victimes dans tout le pays ».  Rappelez-vous l’indécent comportement des deux avocats commis d’office, le premier légitimant le tribunal d’exception et le second en rajoutant sur l’accusation du procureur :

« Il est très difficile de garder son sang-­froid quand devant la justice les inculpés refusent de reconnaître non seulement le génocide de Timisoara et de Bucarest, mais aussi leurs vingt-cinq années de crimes, années pendant lesquelles ils ont affamé le peuple, l’ont fait vivre sans chauffage, l’ont privé d’électricité. Sans oublier leurs crimes contre l’esprit ! Des enfants innocents ont été écrasés par les chars. Vous avez habillé les officiers de la Securitate en uniformes militaires pour dresser le peuple contre son armée. Si encore vous aviez fusillé les vieux de votre âge, mais non, vous leur avez arraché les tubes dans les hôpitaux, vous avez fait sauter des banques du sang ! »

Face aux inepties du tribunal  et quelles qu’aient pu être leurs responsabilités dans la faillite économique et morale du pays, le comportement des Ceausescu peut être considéré comme exemplaire. Lorsque Elena s’énerve face à la grossièreté de ses accusateurs, Nicolae s’empresse de poser la main sur la sienne, pour l’apaiser. Aux accusations portées contre lui, il se contente de répondre : « Je ne reconnais aucun tribunal que la Grande Assemblée Nationale », et ajoute :  « Tout le mal qui règne maintenant dans le pays vient de ceux qui ont fomenté ce coup d’Etat, avec l’aide des agences étrangères d’espionnage ! ».

– Si vous n’êtes pas coupables, questionne le juge, pourquoi vous êtes vous enfuis ? 

– Nous n’avons pas fui, répond Ceausescu, nous avons été trahis. Et un des traîtres est parmi nous dans cette salle. 

Il fixe alors longuement le général Stanculescu, le serviteur fidèle qui lui a conseillé de prendre place à bord de l’hélicoptère et qui se trouve maintenant parmi les accusateurs, les yeux baissés vers le sol, n’ayant pas même le courage de croiser le regard de ceux qu’il s’apprête à envoyer à la mort.

La sentence prononcée, les militaires font mine de vouloir séparer le couple. Elena réplique : « Ah non, vous n’allez pas nous séparer. Nous avons vécu une vie ensemble. Vous n’avez pas le droit de nous séparer ».

De tyrans, les Ceausescu sont devenus des victimes ! Pourtant, de la part de révolutionnaires censés apporter la liberté à leur peuple, un véritable procès public eût constitué une preuve et un exemple de démocratie retrouvée. Mais il fallait absolument que Ceausescu se taise pour toujours. Peu importaient les moyens. Le verdict à peine énoncé, Elena et Nicolae furent criblés de balles, à l’intérieur même de la caserne.

Aujourd’hui, les époux Ceausescu reposent dans deux tombes séparées du cimetière de Ghencea, dans les faubourgs de Bucarest. Du moins est-ce leur nom qui figure dans le registre comme sur leurs deux croix de bois. Mais est-ce bien leurs cadavres ? Dubitative, leur fille Zoia a demandé à la Justice roumaine d’autoriser leur exhumation. Refusé !

Dia141.0035

Un homme connaît certainement  tout ou partie de la vérité : Gelu Voican Voiculescu. Rappelez-vous cet homme à la grande barbe blanche assistant impassible, bras croisés, au jugement des Ceausescu. C’est lui. Lui encore qu’on retrouvera au siège du Comité Central dès les premières heures de la Révolution. Lui aussi  qui dès le 29 décembre fera partie comme vice-premier ministre du premier gouvernement de Petre Roman. Lui que je retrouverai une première fois quelques mois plus tard à Tirgu Mures, officiellement pour apaiser la furieuse tension inter-ethique qui venait d’y faire plusieurs morts, officieusement pour souffler un peu plus sur les braises. Lui qui, lors d’une rencontre fortuite à l’aéroport de Bucarest, me confirmera plus tard avoir organisé et dirigé l’enterrement de Ceausescu, lui qu’Iliescu enverra finalement pour plusieurs années comme ambassadeur en Tunisie puis au Maroc, histoire d’éloigner ce complice incontrôlable.

Automne 2005. Gelu Voican Voiculescu vient de rentrer en Roumanie. Personne ou presque ne le sait encore. Une indiscrétion nous met sur sa piste. Rencontrant par hasard un parlementaire surpris de sa présence, Voican lui a fait part de sa nouvelle activité :

– Je suis à l’Institut de la Révolution Roumaine.

– Et tu y fais quoi ?

– Je reçois un salaire…

Au 33 rue Rosetti, tout près du centre de Bucarest, une large et haute grille délimite un parc au centre duquel s’élève une demeure splendide. Elle a été entre deux guerres celle du premier ministre Bratianu avant d’abriter au temps du communisme des activités plus inavouables. C’est désormais le siège du Centre d’Etude de la Révolution, un « machin » créé de toutes pièces par Iliescu juste avant de quitter le pouvoir, histoire de conserver un pseudo rôle officiel et de recaser quelques amis.

A l’énoncé du nom de Voican Voiculescu, le planton nous escorte jusqu’à la porte palière. C’est à l’étage, dit-il, le premier bureau à droite. Vide et fraîchement repeint, le grand hall, débouche sur un bel escalier de marbre. A l’étage aussi, il y a une odeur de peinture. Dans le bureau indiqué, personne mais, à deux pas, une secrétaire nous renvoie au rez-de-chaussée. Là, au centre, une autre porte avec l’inscription « Président ». Nous frappons, poussons le battant. Personne. La pièce est immense et vide, le parquet refait. Ce sera, apprendrons-nous plus tard, le bureau d’Iliescu lui-même ! En face, une autre porte et des voix étouffées. Rodica frappe, entrouvre et profile sa frimousse. Je l’entends dire « C’est vous que nous cherchons » à un homme qui lui répond « Je viens tout de suite ».

Gelu Voican est sensible aux femmes et sans doute l’apparition de Rodica dans ce lieu encore glacial lui a-t-elle donné un coup de fouet. Il la rejoint rapidement dans le couloir et un rien dépité découvre ma présence. Il se rappelle néanmoins m’avoir naguère rencontré et nous fait entrer dans la pièce portant la mention « Conseiller ». Celle-ci n’est déjà  plus tout à fait vide : une table noire et trois chaises rembourrées. J’évoque notre premier contact à Tirgu-Mures. Il se lance aussitôt dans la longue justification de son action là-bas, avec des équipes mixtes : Hongrois et Roumains, auxquels il avait ordonné de patrouiller toute la nuit pour éviter de nouveaux affrontements. D’ailleurs, affirme-t-il, il n’y avait pas eu quatre morts mais… un seul.

Je réussis finalement à lui expliquer les raisons de notre visite. Il comprend parfaitement la question mais parle d’autre chose et d’autre chose encore, ne se laisse jamais ramener à la mort de Ceausescu à laquelle il a assisté sinon participé, ni à son enterrement.

La nuit tombe. Gelu Voican ne cache sa fascination ni pour les femmes, ni pour l’ésotérisme. Pour lui, la Révolution n’est après tout qu’un épiphénomène de la Destinée puisqu’à la date près, la fin du communisme figurait en toutes lettres dans les prophéties de Nostradamus. C’est l’un se ses amis, Vlaicu Ionescu, qui l’avait déjà démontré en 1976.

– A propos de Ceausescu, je voudrais savoir…

– Ah non, pas ça, c’est insignifiant. De toute façon il fallait le tuer. Mais ce n’est pas moi qui l’ai fait. Il faut remonter plus loin, les Daces, les Gètes, les Ottomans, le Phanar, l’âme roumaine…

– Et si nous nous retrouvions un de ces prochains jours ?

– C’est ça, appelez-moi.

Nouveau rendez-vous le surlendemain, au même endroit. Entre temps, Rodica et moi nous sommes rendus une nouvelle fois au cimetière. La tombe d’Elena semble n’avoir plus été fleurie depuis longtemps ; celle de Nicolae est en revanche décorée de quelques fleurs multicolores, la vieille croix de bois a été remplacée par une pierre tombale marquée d’une étoile rouge et de la mention « Ridicat de Partidul Muncitoresc Roman, 8 mai 1995[5] ».  Sur les deux tombes, plus guère de fleurs comme cela avait été longtemps le cas dans les premières années de l’après-Révolution mais quelques personnes d’âges divers qui, à l’occasion de la visite à un parent décédé, s’arrêtent un instant comme si les Ceausescu faisaient partie de leur famille.

Au Centre d’Etude de la Révolution, rue Rosetti, de nouveaux meubles ont été livrés, le téléphone installé. L’avant-veille, je n’avais pas même pu utiliser mon petit enregistreur et aujourd’hui, à la demande de Gelu Voican, nous ne commencerons l’enregistrement…qu’après son témoignage sur la mort des Ceausescu. J’en ai cependant conservé un souvenir que je crois très fidèle et que j’ai immédiatement consigné le soir même :

– Le 25 décembre 1989, à l’issue du procès et de la condamnation à mort, les Ceausescu avaient été emmenés par les militaires et nous discutions pour savoir comment les exécuter. Personne ne mettait en cause la nécessité de cette exécution. Nous étions certains que, si la population avait été prévenue, elle se serait précipitée en masse pour tuer elle-même ce couple qu’elle détestait tant. Il y aurait eu un vrai lynchage et il ne serait pas resté un seul morceau des deux cadavres. Il fallait donc les exécuter ici-même, et rapidement. Mais certains voulaient d’abord faire appel à un prêtre. Où le trouver ? Pourquoi prendre inutilement du retard ? Nous pouvions à tout moment craindre une action extérieure pour les libérer. Comment allions-nous procéder ? Nous étions plusieurs à préférer, comme dans les films, un véritable peloton d’exécution. D’autres estimaient que deux ou trois soldats, et pourquoi pas un seul, suffiraient. D’autres encore pensaient qu’on pouvait simplement les abattre d’une balle dans la tête, de la même manière que Ceausescu faisait exécuter les sentences de mort dans les prisons roumaines. A ce moment-là, venant de la cour, nous avons entendu le bruit d’une fusillade intense. Nous nous sommes précipités au dehors. Fous de haine et de rage, les soldats n’avaient pas pu attendre notre ordre et avaient fait justice eux-mêmes. Les deux corps gisaient sur le sol, criblés de nombreuses balles, et celui d’Elena beaucoup plus que celui de Ceausescu. 

– Mais pourquoi Zoia n’est-elle pas autorisée à vérifier la présence effective du corps de ses parents dans le cimetière de Ghencea ?

–  Que voulez-vous que j’y fasse ? Si la justice a refusé l’exhumation, ce n’est pas moi qui vais la faire changer d’avis ni ouvrir clandestinement les tombes. Zoia n’a qu’à insister, faire recours de cette décision. Elle finira par gagner, vous verrez. Et je suis sûr que ce sont bien ses parents qu’on trouvera là-bas. Je ne peux rien vous dire de plus. Je ne veux plus m’exprimer à ce propos.

C’est incroyable, ça. Voilà quinze ans qu’on me pose la même question. Les Ceausescu sont-ils dans ces deux tombes ? Je réponds que oui et je dis que si on ouvre les cercueils, c’est eux qu’on trouvera. Il n’y aura sans doute même pas besoin de recourir à l’ADN. Ils doivent être comme des momies. Le travail avait été bien fait, ils avaient été fortement embaumés et on mis le cercueil dans une chape de ciment… 

– Dans une chape de ciment ?

– Oui, dans une chape de ciment, pour les protéger. Il y avait eu tant de morts. S’ils avaient su où trouver les responsables, les gens les auraient déterrés, ils les auraient déchiquetés… Alors, quand on a décidé de les enterrer là, on a demandé aux militaires qui creusaient la tombe de construire un véritable caveau, que nous pourrions recouvrir ensuite de ciment.

– Et ça s’est passé comment ?

– Ce qu’il faut dire, c’est qu’on les avait presque oubliés. Nous avions tellement d’autres préoccupations dans les premiers jours de la Révolution. Ils avaient été tués le 25 et emmenés à la morgue de l’hôpital militaire. D’habitude, surtout dans la religion orthodoxe, on enterre les morts après deux jours, éventuellement trois. Mais là, nous en étions déjà au quatrième jour. Alors les autres m’ont dit que j’étais l’homme de ces besognes-là. J’ai été désigné volontaire d’office, en quelque sorte. Je suis parti pour la morgue, mais ça n’a pas été si facile que ça. D’abord c’était la Révolution, on ne pouvait plus trouver les responsables des différentes administrations. Et puis la mort des Ceausescu n’était pas exactement une mort naturelle. Or, la loi prévoit qu’en cas de mort violente, il faut d’abord une autopsie effectuée par l’Institut de Médecine Légale. Mais ces gens-là étaient introuvables et nous n’avions pas que ça à faire. Alors on a ouvert les tiroirs. Les deux corps étaient là, un peu arrangés et fortement embaumés. Ceux qui étaient avec moi voulaient les mettre comme ça dans les cercueils de bois. Je leur ai dit que c’étaient tout de même des chrétiens. On n’avait pas de vrais linceuls alors on a pris des draps blancs de l’hôpital et on est partis pour le cimetière de Ghencea. Comme vous savez, il y a là-bas deux cimetières, le civil et le militaire. On aurait voulu les mettre au cimetière militaire, où ils auraient été mieux protégés, mais les responsables ont refusé, affirmant que seuls des soldats peuvent y être enterrés. Nous nous sommes donc rendus juste à côté, au cimetière civil, mais le directeur nous a dit qu’il n’avait pas le droit d’enterrer quelqu’un sans certificat de décès. Hélas, je vous l’ai dit, lorsqu’il y a eu mort violente, on ne peut pas obtenir de certificat de décès sans autopsie ou certificat de l’Institut de Médecine Légale. Alors, nous sommes retournés là-bas et, finalement, nous avons trouvé quelqu’un qui nous a signé un papier disant : « Nicolae et Elena Ceausescu, décédés de mort violente, impacts de balles ». Nous sommes retournés au cimetière. Le directeur s’est contenté de ça. Il était temps, on était en plein hiver, il était quatre-heures et demie et la nuit commençait déjà à tomber. On a descendu les cercueils dans chacune des deux fosses, on a rebouché au ciment et on a recouvert de terre…

– Et pourquoi ont-ils été enterrés à plusieurs rangées d’intervalle ?

– On a pris ce qu’il y avait, ce qui était libre près du centre du cimetière. On n’allait tout de même pas les enterrer tout au fond.

– Etes-vous certain que les deux corps de l’hôpital étaient bien ceux des Ceausescu et qu’on n’a pas pu  faire ensuite une substitution ? Avez-vous toujours été auprès des cercueils ?

– Toujours et je peux affirmer que ce sont les deux Ceausescu qu’on a enterrés là.

– En cas d’exhumation, c’est donc bien eux qu’on trouvera?

– Pour moi, c’est certain mais je ne peux pas savoir si quelqu’un n’est pas venu les déterrer depuis… 


[1] Titre de l’indispensable livre de Victor Loupan publié en 1990 aux Editions Robert Laffont, Paris

[2] Sténogramme de la réunion du 14.12.1989

[3] A bas le communisme ! A bas Ceausescu ! Liberté !

[4] Ministre de l’Intérieur

[5] « Erigé par le Parti Ouvrier Roumain ». Il s’agissait de la dénomination du futur Parti Communiste Roumain dans les premières années du socialisme.

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