Petit bonheur à l’ombre du Ventoux

Mazan, village provençal méconnu, à l’est de Carpentras et au sud du mont Ventoux. Le château, aujourd’hui transformé en hôtel saisonnier, fut pourtant la demeure du « divin » marquis de Sade. Souvenir, souvenir. En voiture et même à pied, la traversée du bourg est banale et régulièrement bousculée par la cohorte de poids lourds transportant le plâtre d’une carrière voisine. Heureusement, le son des cloches rappelle que là-haut, sur la colline, l’histoire et la tradition sont encore bien tenaces, les heureuses surprises bien présentes.

Le château n’étant pas encore ouvert, nous avons dû nous rabattre sur une maison d’hôtes et c’est tant mieux ! A deux pas de l’église, entre la chapelle – fermée – des pénitents blancs et celle – limitée à quelques ruines – des pénitents noirs, une vieille maison familiale, enserrée entre des ruelles à peine accessibles, a retrouvé vie avec la venue d’Eric et Agnès Duchemin, jeunes et adorables quinquagénaires, qui ont repris murs et jardin pour en faire une exquise maison d’hôtes, restaurée et décorée avec un goût sûr et discret pour abriter désormais, sur deux étages, cinq belles chambres, claires et hautes de plafond, meublées à l’ancienne mais disposant de tout le confort d’aujourd’hui.

Eric et Agnès ont longtemps vécu en Espagne, d’où ils font régulièrement venir jambon et chorizo de pata negra, bien agréables lorsque, hélas, aucun des quelques restaurants locaux n’est encore en mesure d’accueillir les visiteurs du soir. Quelques gorgées d’un côtes du Ventoux, rond et savoureux, viennent compléter la ripaille. Au petit déjeuner, confitures maison de fraises et d’abricots, miel de lavande itou.

Ici, on échange avec curiosité et émotion le regard et la parole. Eric sort de sa cachette un « facon » de Tandil, traditionnel coutelas argentin indispendable pour déguster dans la pampa l’asado « bien criollo ». Il rêve de se rendre un jour en Argentine pour retrouver les amis rencontrés en Espagne et retournés au pays. Agnès, elle, rêve de voir un jour le pays de ses ancêtres, l’Arménie, d’où ses parents, encore heureux de n’avoir pas été simplement assassinés par les Turcs, ont fui comme tant d’autres jusqu’à Marseille. Agrès parle l’arménien, appris en famille. Je lui enverrai un de ces jours quelques photos de ce pays que j’ai tant aimé.

Le plaisir des yeux et des sens ne serait pas complet sans une revigorante expédition jusqu’au jardin, un rien suspendu, qui jouxte la grande salle d’accueil. Une petite piscine pour se rafraîchir et moult arbustes et massifs fleuris, le tout à l’ombre d’un majestueux cèdre du Liban, plus que centenaire, dont les lourdes branches s’échappent jusqu’au-dessus des ruelles voisines. Ici, vous êtes dans un havre de paix et, de toute manière, le chien Nestor veille, débonnaire et malicieux.

Ceci n’est évidemment pas une publicité. J’ai passé l’âge des influenceurs patentés et, bien sûr, nous avons payé notre écot comme tout un chacun, sans même prévenir Eric et Agnès de notre intention de rédiger ces quelques lignes sur leur belle demeure du Jardin de Mazan. Nous y sommes arrivés en voyageurs, nous y reviendrons en amis, croisant peut-être quelques-uns des visiteurs venus de toute l’Europe pour éprouver la sérénité discrète de ce lieu émouvant, à moins qu’ils ne préfèrent simplement gravir à vélo les pentes légendaires du mont Ventoux.

Pour info : Le Jardin de Mazan, 65 rue des Pénitents Noirs, 84380 Mazan

+33 6 52410231 contact@lejardindemazan.com www.lejardindemazan.com