g. La Bravade de Saint-Tropez

 

Les 16, 17 et 18 mai se déroule à Saint-Tropez la Bravade. Pour les habitants, cette manifestation a conservé, malgré l’explosion touristique de la petite cité fortifiée, un caractère exemplaire et profond. Pour le voyageur, c’est un spectacle qui mérite le détour.

Une salve d’honneur éclate au matin du premier jour pour indiquer le début de la fête. L’après-midi, au son des fifres, des clairons et des tam­bours, une centaine d’hommes en tenues ana­chroniques se mettent à manoeuvrer et défiler en ville. Armés de tromblons courts au canon évasé, ils escortent leur chef portant une longue pique fleurie. Cette escouade vient faire haie au sortir de l’église, d’où apparaît le buste doré d’un saint à casque de guerrier. La dignité et le sérieux contras­tent ici avec le laisser-aller balnéaire qui règne habituellement. Autorités civiles et religieuses sont présentes et, à un signe du Capitaine de la Bravade, cent fusils tirent ensemble vers le ciel une salve retentissante. Les visiteurs en restent abasourdis. Les habitants, eux, connaissent le rituel et, au signe du Capitaine, ont pris la précau­tion de porter la main à leurs oreilles.

Puis le cortège s’engage dans les ruelles et, à cha­que carrefour, renouvelle son exploit en l’honneur de tel ou tel dignitaire local. Ce n’est que tard dans la nuit que le groupe, renforcé par des dizaines de curieux, parvient au seuil de l’église où, avant le retour de saint-Tropez en sa demeure habituelle, éclatent quelques ultimes coups de mousquets.

Le lendemain, la messe solennelle est l’occasion d’admirer de nombreux costumes anciens, tenues militaires pour les hommes, robes majestueuses pour les femmes. Peu après, une nouvelle proces­sion a lieu dans la cité, mais les bravadiers ne por­tent alors que des armes blanches. L’après-midi, les manifestations bruyantes reprennent et les salves éclatent jusque tard dans la nuit puisque, cette fois, les tromblons accompagnent chacun des bravadiers à son domicile. La pique et le drapeau, emblèmes du Corps des Bravadiers, sont alors remis aux autorités civiles, devant la mairie.

Enfin, la dernière journée, si elle voit à nouveau défiler les bravadiers porteurs d’armes blanches, est consacrée aux marins qui, à la chapelle Sainte-Anne cette fois, sont au premier plan de la céré­monie.

Tout cela ne serait que folklore clinquant s’il n’y avait aux origines une histoire faite de destruc­tions, de souffrances, de combats et de bravoure. Citadelle crénelée, Saint-Tropez commande un golfe sûr que convoitèrent nombre de pirates et d’envahisseurs. La cité fut saccagée une première fois, au IXème siècle, par les Sarrasins, qui tenaient la Garde-Freinet toute proche. Les Sarra­sins défaits, Saint-Tropez ne trouva pas la paix pour autant, les pirates opérant d’incessants pilla­ges. Aussi, en 1470, le baron de Grimaud, gouver­neur de Provence, fit-il appel à vingt-et-une famil­les génoises, qui obtinrent de s’installer sur le rocher, exemptes de tout impôt ou corvée, à con­dition qu’elles assurent elles-mêmes la protection du lieu. Si cette implantation réussit, c’est sans doute que les villageois vécurent, des décennies durant, les armes à la main, que ce soit pour aller travailler dans les champs voisins ou pour per­mettre aux premières processions de se dérouler, hors les murs, sans anicroche. Il n’est donc pas étonnant que se soit maintenue, la paix revenue, l’habitude de mêler le claquement des tromblons à la ferveur des dévotions.

A noter qu’une bravade plus limitée, dite Bravade des Espagnols, a lieu le 15 juin. Elle commémore la victoire remportée sur vingt-et-une galères espa­gnoles, en 1637. Une autre bravade, le 15 août, rappelle la libération de la ville, en 1944. Mais, à cette période de l’année, l’engorgement touris­tique est tel que la cérémonie prend parfois des allures de fête foraine.

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