– Thé ou café, au petit déjeuner ?
– Café…
Alors, il y a de bonnes chances pour que celui que vous buvez en ce moment vienne d’ici.
Ici, c’est le Costa Rica. San José de Costa Rica. Amérique centrale. Coincé entre Panama et Nicaragua.
On dit du Costa Rica qu’il est la Suisse de l’Amérique Centrale. Comparaison fréquente. Mais dans le cas du Costa Rica, c’est assez juste. Tout est policé, réglementé. Le code du travail prévoit tout, même la durée de travail quotidien des animaux domestiques. C’est tout dire.
Une différence tout de même, l’armée. Ici, il n’y en a pas. Dans las années 50, le Costa Rica a, officiellement, déclaré la paix au monde. Et pour prouver sa bonne foi, il a dissous son armée. Franchement, ça marche plutôt bien.
Donc, le café. Si vous aimez le Costa Rica, première qualité de la variété arabica, suivez-moi. Ou, plus exactement, suivons Otto Kloeti. Un Suisse allemand venu ici il y a une trentaine d’années et qui, aujourd’hui, est considéré comme le numéro un de l’exportation de café.
Il en exporte, du café, mais il en produit aussi, dans ses plantations. Ses plantations, je ne les ai vues que de nuit, à la lumière des phares, alors qu’il m’amenait chez lui. Des hectares et des hectares. Gros buissons vert sombre, à un peu plus d’un mètre d’intervalle les uns des autres. Tous les dix mètres environ, un arbre différent, poussé plus vite, l’arbre à ombre. Sans lui, le café serait quasiment torréfié sur pied, par le soleil, et n’arriverait jamais dans votre tasse.
Avant la tombée de la nuit, Otto Kloeti m’a emmené jusqu’à son beneficio de cafe, le lieu où est traitée le grain si précieux. Je ne vous parlerai pas de Kloeti, indéfinissable, sans âge, posé, travailleur, banal finalement. Sa seule passion semble être le café et, au beneficio plus qu’en famille, il se décontracte, s’anime. Il parle aussi. Mais comme il le fait en espagnol et, parfois en allemand, comme, de plus, les machines du beneficio font un bruit du diable, je me contenterai de vous résumer le chemin du café.
Sur une plantation nouvelle, la première récolte n’est possible que trois ans après la mise en terre du jeune arbuste. Alors, trois ans plus tard, la saison va débuter, en avril, avec la floraison. Très exactement 9 jours après la première pluie. En général à mi-avril. Plus tôt il pleuvra, plus tôt se fera la floraison, et meilleure sera la récolte.
Huit mois plus tard, c’est à dire à partir de la mi-décembre, va commencer la récolte. Travail difficile, car il faut choisir les baies, qui ressemblent beaucoup à des cerises, les choisir à leur complète maturité. Donc, impossible de cueillir tous les fruits d’un même caféier en même temps.
Il faut beaucoup de main-d’oeuvre. Et pas n’importe laquelle. Otto Kloeti a employé des nicaraguayens, voilà quelques années. Mais le travail était mal fait. Il est donc obligé de ne faire appel qu’à des costaricains. On en trouve difficilement et, pour les garder, il faut leur proposer du travail, non seulement en période de culture, mais toute l’année. Les payer bien, et les loger. D’où les nombreuses maisons qui entourent celles d’Otto Kloeti, dans la plantation.
Les baies de café ainsi cueillies sont portées par camion jusqu’au beneficio.
Là, on les soutire dans des caisses de 400 litres qui, au bout du compte, ne donneront que 25 kilos de café.
On les lave, on sépare le grain de la pulpe, on le fait fermenter trente heures, puis on la lave, cette graine, on la sèche dans des silos chauffés avec la pulpe elle-même, le pétrole est trop cher, les brûleurs ont été reconvertis pour cet usage plus économique. Séchage donc, puis mise en stock pendant un ou deux mois. Ensuite, ces millions de grains de café vert vont défiler, un a un mais à grande vitesse, sous le regard de femmes qui sont parmi les plus payées de l’entreprise, mais qui ne doivent en aucun cas laisser passer un grain abîmé, noirci ou avarié.
Si tout va bien, la vente se terminera en mai juin. Il est grand temps de retourner à la plantation pour assurer l’entretien des caféiers, les traitements et la préparation de la récolte suivante.
La petite histoire…
Extrait de https://www.erwindettling.ch/
Otto Klöti a déménagé au Costa Rica en 1948. Soixante ans de travail, d’engagement et de chance lui ont apporté prospérité et réputation. Klöti a semé et récolté abondamment. Aujourd’hui, il est considéré comme l’un des grands experts en café du petit État latino-américain. Au début de son histoire se trouve la tante Frieda. La sœur du père d’Otto Klöti a émigré avec son mari en 1926, de Dürnten, dans l’Oberland zurichois, au Costa Rica . Tante Frieda vivait dans une ferme sans progéniture. À la mort de son mari en 1947, tante Frieda a écrit en Suisse : «Je ne peux pas le faire toute seule. Envoyez-moi quelqu’un». C’était l’heure d’Otto Klöti.