g. Les collines de Giono

 

Autre Provence que celle de Jean Giono (1895­1970). L’homme est attaché aux montagnes et aux sensations. Il n’est pas croyant car il estime trop l’importance du corps. Autodidacte né à Manos­que, il a lu Virgile et l’Iliade. Aussi transcrit-il, en quelque sorte, la vie de sa Provence dans un monde aux dimensions et aux passions absolues. Jacques Chessex a récemment décrit, dans un article intitulé «Saluer Giono», cet aspect de l’oeuvre de Giono:

«Il y a ce foisonnement, ces cris, ces livres vio­lents et sensuels de la première période terrienne et prophétique, ces personnages jaillis de la tragé­die et de la mythologique de par la grâce d’un naïf roublard et savant. Ah voici Ulysse gardien de moutons, Circé aubergiste, Oreste rémouleur et braconnier, Phèdre serveuse, Agamemnon camionneur, et les gens des chemins et des coups durs installent sur les hauts plateaux de Provence un théâtre du chahut quotidien qui a peuplé ma rêverie.»

Giono, qui est pourtant d’un pays plus resserré que celui de Mistral ou de Daudet, est autrement planétaire. Il est vrai qu’il appartient à une généra­tion qui a connu les deux guerres mondiales. Giono n’attendra pas la seconde pour manifester d’irréductibles sentiments pacifistes, ce qui lui vaudra la prison en 1939 et 1944. Parmi ses oeuvres maîtresses, on citera «Colline», «Un de Baumugnes», «Regain» mais aussi «Le chant du monde», «Noé» et «Les âmes fortes», sans oublier un très beau texte consacré au Déserteur, cet Alsacien exilé qui, dans la deuxième partie du XIXème siècle, vint se réfugier en Valais, où il pei­gnit nombre de tableaux naïfs conservés grâce au bon sens du curé de Fully. Délaissant un temps sa Provence, Giono mit ses pas dans ceux du Déser­teur pour mieux imaginer sa fuite. Il n’est d’ail­leurs pas certain que ni l’un (le Déserteur) ni l’autre (Giono) se soient vraiment sentis, dans ce Valais de la révolte, en terre inconnue.

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