a. Ferrade à Quilchena

 

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La ferrade de Quilchena se fait en altitude, à plus de vingt kilomètres du ranch. C’est là qu’il faut amener les veaux, en ayant pris bien soin de ne pas les séparer de leur mère, de crainte qu’ils ne puissent ensuite, seuls, pourvoir à leur nourriture ou se défendre contre les prédateurs. Dans un premiers temps, après avoir regroupé vaches et veaux dans une prairie de moyenne altitude, les cowboys doivent former un troupeau dans lequel ils soient certains qu’à chaque veau correspond une mère. Trois cavaliers forment une ligne-frontière, au-delà de laquelle peuvent uniquement avancer les couples formés par la mère et son veau, couples que Larry, cavalier tout de noir vêtu, est allé, identifier et extraire du troupeau initial.      Je suis quatre autres des cow-boys à l’arrière. Mon travail consiste à contenir le troupeau et à courir aux trousses des animaux, surtout des veaux, qui essaient de s’échapper. Whisky, cheval bai de neuf ans que m’a confié Mike Rose, le fils de Guy, est tellement habitué à ce travail   que e je n’ai pratiquement pas à lui donner d’indications. Autant j’ai du mal à le faire bouger lorsque rien ne se passe, autant il suffit d’un mouvement du bétail pour qu’il démarre, avant même mon ordre, dès qu’il voit un veau s’échapper.

Il sait alors très bien comment le ramener avec les autres, d’abord en partant au large, au grand galop, puis en se rabattant sur lui dès que celui-ci a décelé sa présence. Whisky adore ça, de même qu’il adore aller de gauche à droite, rapidement, face à un groupe de veaux ou de mères tentant de fuir.

Après ce premier tri, poussons vaches et veaux sur une dizaine de kilomètres, dévalant le flanc graveleux d’une falaise, franchissant un pont de bois dont les chevaux se méfient plus que les bovins. Commence alors, lente, la montée vers les crêtes. Il se fait tard, la journée se termine et la pluie menace. Nous enfermons les bêtes dans une prairie à flanc de coteau et reviendrons demain pour les amener jusqu’au lieu de la ferrade.

8h30, le lendemain matin. Voilà plus de quatre heures que les cowboys se sont réveillés et plus de trois qu’ils sont à cheval, à pousser le troupeau de la veille jusqu’au corral d’altitude où les attend Mike, qui s’y est rendu en camionnette pour apporter le matériel nécessaire à la ferrade. Nombre de ranches de la région continuent à faire rougir les fers dans un feu de braises. A Quilchena, on préfère le gaz. Mike allume le bec et le détache d’abord de l’ensemble pour que la flamme réchauffe… le café.I1 fait froid et, 1orsqu’ i1s arriveront, les autres cowboys prendront le temps d’une pause avant de passer à l’action. Peu à peu montent de la vallée les premiers meuglements des vaches, les premiers cris yodlés des cowboys. Tout à coup, les premières silhouettes apparaissent au creux du vallon. 80 vaches et autant de veaux de deux mois, que poussent à cheval Larry et trois de ses hommes. Les bêtes entrent en meuglant dans le corral. Les fers sont rouges. Coop et Rick sont en selle, à 1′intérieur du corral. Larry a préparé son couteau. Le vieil Indien tient en main l’instrument qui servira à décorner 1 e veaux . Dawn, l’unique femme du groupe, manipule la seringue, un autre 1 ‘appareil à implants. Le lasso de Coop remonte dans les pattes arrière d’un veau fauve et blanc. Il le tire vers le centre du corral. Un autre lasso vient passer autour des pattes avant. Les deux cavaliers tirent, chacun dans un sens. Le veau est déséquilibré. Deux jeunes Indiens le maintiennent à terre. Larry découvre les testicules, les effile puis tranche. Il découpe ensuite en demi-pastille un rond de la joue droite, entaille l’oreille, met un peu de poudre cicatrisante sur les deux plaies sanguinolentes laissées par le couteau du décorneur. Dawn pique. Pendant ce temps, le fer en « R » renversé de Mike s’est posé, précis, sur la fesse droite. Fumée, odeur de roussi. Mike retire le fer. La marque est nette. Ni trop forte, pour ne pas blesser, ni trop faible, parce qu’elle devra rester visible pendant au moins un an, s’il s’agit d’un mâle destiné la boucherie, et même une dizaine d’années, s’il s’agit d’une femelle promise à plusieurs maternités.

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