Nuoc mam

Publié le 25/08/2013 par alexadmin

 

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Je ne sais pas si vous avez jamais assaisonné un riz ou un plat asiatique avec du nuoc mam, cet extrait de poisson dont quelques gouttes suffisent pour empoissonner – sans empoisonner – toute une marmite.

Moi, le nuoc mam, j’adorais ça mais, depuis que j’ai passé dix minutes dans le petit port de Laem Singh, quelques maisons de pêcheurs et quelques barques au bord du golfe du Siam, je sais que je n’en utiliserai plus jamais.

Quelle puanteur. Même les mouches ont déserté l’endroit. Le poisson, pêché d’une bomme semaine, pourrit dans des caisses à claire voie d’où s’écoule un jus brunâtre et nauséabond. La plus grande partie est récupérée dans des récipients avant d’être envoyée vers Bangkok mais, comme les fûts sont plus ou moins étanches, des ruisseaux de nuoc mam traversent la terre battue de la place principale, dans l’indifférence générale.

Pour l’occidental pas facie à dégoûter que je suis, c’est vraiment trop. Même en me bouchant les narines, je n’échappe pas aux relents de putréfaction qui me retournent l’estomac. Vite, je saute dans une barque. Je paierai ce qu’il faudra pour m’éloigner de Lem Sing.

A la sortie du port, l’odeur me poursuit, Pas étonnant, le fond de la barque est couvert d’une dizaines de centimètres d’un mélange d’eau de mer et de nuoc mam. Le marin s’étonne un peu quand je lui demande, contre quelques baths, de vider scrupuleusement l’embarcation.

Puis nous passons le cap, en direction de la haute mer et l’air redevient respirable. Le pêcheur, du nom de San, m’emmène vers une île si petite qu’elle est sans nom. – Là, vous serez tranquille à l’ombre d’un palmier. Vous pourrez lire, écrire, sans que quiconque vous dérange. Je veillerai sur vous et vos affaires.

En espérant qu’il n’est pas en cheville avec l’un des nombreux groupes de brigands qui écument la côte, je m’en remets à lui et nous accostons en effet sur une plage, vierge ou presque, surmontée d’un massif de cocotiers, à l’abri du vent du large, idyllique. Personne ne vit sur l’île. C’est tout juste s’il y a, derrière un bosquet, une cabane de planches et, ô surprise, un autel. Un autel sur pilotis. Etrange autel, à vrai dire.

Construit en bois comme un chalet, il est constitué d’une seule pièce, fermée sur trois côtés et grand ouverte sur la mer. Pendue à la poutre du toit, une robe à carreaux vichy, de style européen, et une blouse de soie blanche accrochée à un cintre. De l’autre côté, une robe bordeaux, un peu passée, Et surtout, sur une avancée qui constitue en quelque sorte la terrasse de l’autel, trois immenses sexes masculins, plus vrais que nature, taillés dans une seule pièce de bois et peint d’un rouge qui ne peut pas passer inaperçu.

Mon ile sans nom serait-elle un autel de passe ?

Laem Singh, Thailande

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