Il faudrait aussi parler de Romanetti, jouisseur rebelle, auteur d’un premier crime le jour de la fête votive de son village, réussissant un jour à s’enfuir, assiégé qu’il est par les gendarmes, en se servant d’une gamine comme rempart, rencontrant une autre fois le préfet lui-même, avide sans doute de pittoresque. Romanetti a sa cour, les politiciens ont besoin de lui, les maires n’osent refuser ses invitations, des touristes et des journalistes se font gloire d’être ses compagnons de bombances ou de libertinages. Un candidat à la présidence de la République vient même quémander sa neutralité. Toutes les tentatives de l’arrêter restent vaines et on murmure que, grâce à de hautes relations parisiennes, il est tabou. Alcoolique forcené, il devient dangereux pour ses amis qui songent à se débarrasser de lui. Mais comment? Romanetti, entouré de ses maîtresses, est protégé en permanence par une demi-douzaine de nervis, armés jusqu’aux dents. Plusieurs embuscades échouent mais, en avril 1926, alors que Romanetti terrorise la Corse depuis quinze ans, il se rend seul, en pleine nuit, à cheval, à la grotte qui lui sert de refuge secret. A l’angle d’un chemin, les coups de feu crépitent et Romanetti tombe, mortellement blessé. La rumeur affirme que les gendarmes, avant d’annoncer l’événement, s’empressèrent de saisir dans la bergerie de Romanetti des centaines de lettres signées de politiciens, d’hommes publics, de fonctionnaires, de journalistes et d’artistes, qui assuraient le bandit de leur indéfectible amitié.
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