A l’époque, dans tout l’océan Indien, c’est la guerre permanente entre Anglais et Français. Flibustiers, corsaires, pirates et forbans se poursuivent, s’évitent, s’abordent, s’affrontent. Certains préfèrent mettre en lieu sûr le fruit de leurs exploits. Il ne subsiste sans doute aujourd’hui que très peu de trésors et certainement beaucoup moins que le prétendent les rumeurs locales. Certains Rodriguais y croient pourtant dur comme fer, dur comme or. Ainsi le grand-père de l’écrivain Jean-Marie Le Clezio, qui passa plusieurs années à rechercher en vain le fabuleux trésor dont il croyait avoir identifié la cachette.
Adolescent, Vagor Limock a accompagné « monsieur » Le Clézio dans les rochers. Aujourd’hui, il me guide en sautillant de pierre en pierre et en mettant tant bien que mal en ordre de bataille les souvenirs qu’il conserve d’alors.
Retrouver Vagor Limock en vidéo…
Quand les pirates sont venus à Rodrigues, il y avait 1000 habitants, pas plus. Les esclaves avaient été amenés par des colons français. Ils venaient de Madagascar, du Mozambique. Ce sont eux, nos ancêtres. Les Français étaient des Bretons, des pêcheurs. Ils sont arrivés à Rodrigues. L’île leur a plu. Ils sont restés. Ils ont pris des femmes esclaves et ils ont fondé leur famille.
Tout le monde savait ce qu’on cherchait. J’avais neuf ans, dix ans.Tout ça, on l’a fouillé. On faisait de grands trous. Neuf à dix pieds de large, six ou sept pieds de profondeur. Pour chercher le trésor… mais on ne l’a pas trouvé. Il n’était pas ici. Monsieur Le Clézio habitait ici et, à côté, il y avait la maison de son gardien. Barris Rousty, il s’appelait.
On n’a jamais rien trouvé. On fouillait avec des pics, des pelles. Six pieds, ça fait deux mètres. On fouillait jusqu’à deux mètres. Des hommes travaillaient avec lui. Il donnait les ordres: fouillez là, fouillez là… Il a fini par fouiller partout. Quand il est mort, les terrains sont restés ainsi une cinquantaine d’années et finalement, c’est une vieille fille qui a vendu les terrains au gouvernement.
Et pourtant, des trésors, il y en a ou, en tout cas, il y en a eus. A l’époque, des esclaves vivaient ici. Ils voyaient arriver les bateaux des pirates. Ils jetaient l’ancre près de ce rocher, sautaient à terre et grimpaient dans la montagne avec de lourdes caisses. Les habitants croyaient qu’il s’agissait de cadavres que les pirates souhaitaient enterrer sur la terre ferme mais, cinq ou six mois plus tard, les pirates revenaient, reprenaient les cercueils et repartaient avec.
Ce sont mes grands-grands-parents qui m’ont raconté ça.