Rupture

 

Cette fois, c’est la rupture. Et, du même coup, l’inquiétude. Hier, la cinquième négociation entre guérilleros et gouvernement s’est terminée abruptement. Elle était considérée comme celle de la dernière chance mais il est encore bien difficile de savoir si, en 92 minutes d’entretien, l’un de l’autre des protagonistes a laissé passer la sienne.

La réunion a débuté avec 20 minutes de retard à cause d’une crise nerveuse, doublée d’un début d’infarctus, qui a affecté l’un des otages, l’ambassadeur du Venezuela, et qui a nécessité l’intervention d’un cardiologue.

La négociation n’a pas été rompue après quelques instants. C’était bon signe. Mais, à l’issue de l’entretien et pour la première fois, la guérillera encapuchonnée qui négocie au nom du M19 est sorti de la camionnette jaune, devant l’ambassade dominicaine, s’est adressé à nous autres journalistes, qui étions parqués à une cinquantaine de mètres de la.

Le gouvernement refuse de donner suite à nos demandes, a-t-elle crié, la main levée formant le V de la victoire. Il n’y a donc pas de raison de poursuivre ces négociations. Nous exigeons toujours la libération de tous nos camarades en cours de jugement. La consigne du M19 est « vaincre mourir ».

Hier, en fin d’après-midi, un communiqué plutôt vague du gouvernement confirmait la rupture le président colombien, qui avait déjà, la veille, consulter des juristes, devaient à nouveau les recevoir dans la soirée. Ils cherchent une issue légale permettant de libérer, non seulement les prisonniers déjà condamnés mais aussi ceux qui sont en cours de jugement.

Il a même demandé aux magistrats de la cour martiale d’accélérer ces jugements. Mais la réponse des juges, qui sont aussi des militaires a été : non !

C’est donc à l’impasse. Mais une impasse anxieuse, tendu car chacun ignore ici ce que le M19 fera pour obliger finalement le gouvernement colombien à négocier.

Face à cette situation, le groupe de coordinations des pays concernés par la prise d’otages se réunit, ce matin, à Bogotá. Mais quelle peut être son influence, puisque le gouvernement colombien a clairement déclaré qu’il ne céderait à aucune pression ?

J’arrive des abords de l’ambassade dominicaine. Il est 2:00 du matin, ici à Bogotá, et la nuit est particulièrement fraîche. À l’intérieur de l’ambassade, notre ambassadeur Jean Bourgeois doit claquer des dents. Lors de la prise de l’ambassade, les balles ont cassé la plupart des vitres et l’ambassade est désormais la maison des courants d’air. M. bourgeois a pu obtenir des pull-overs et même, grâce à la Croix-Rouge, un manteau. Mais il a froid tout de même et il vient de réclamer de la vitamine C. Pour tenir et ne pas tomber malade.

Il doit avoir d’autant plus froid que l’ambiance est à l’orage. La cinquième négociation a été rompue, hier, à l’issue de 92 minutes de discussion. Et la guérillera encapuchonnée a crié à l’intention des journalistes parqués à 50 m : « Le gouvernement met les pieds au mur. Il n’y a plus de raison de négocier. Nous continuons d’exiger la libération de nos camarades en cours de jugement. La consigne du M19 est : vaincre mourir ».

Hier soir, un communiqué gouvernemental a confirmé la rupture. C’est l’impasse. Une impasse d’où tente de sortir le président colombien. Mais que peut-il faire, lui, président du de démocratie faible, face a une armée forte qui, de fait, ouvert le pays et s’oppose, au nom de la constitution, au nom des principes, à toutes libération des prisonniers réclamés par le M19.

Bogota, vendredi 14 mars 1980, 7 heures

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