f. Apparition de la Tarasque

 

Pentecôte est l’occasion, dans toute la Provence, de pèlerinages sobres et de fêtes discrètes. Une cité fait exception, Tarascon, où le lundi de Pente­côte est marqué par la sortie de la Tarasque.

«Il y avait alors au bord du Rhône, à côté d’un grand rocher, dans un bois entre Arles et Avi­gnon, vers l’ouest, un énorme dragon mi-animal (terrestre) mi-poisson, qui tuait beaucoup de gens passant et traversant, y compris ânes et chevaux, et retournait les bateaux sur le Rhône. On avait beau venir en grand nombre et en amies, impos­sible de le tuer, car il quittait le bois et se cachait dans le fleuve…»

Ce texte, extrait de la Vie de sainte Marthe, remonte aux débuts de la chrétienté en Provence et fait déjà mention de ce monstre inquiétant, la Tarasque, devenu depuis un héros populaire et l’objet des quolibets d’Alphonse Daudet. La Taras­que, si elle a existé, devait avoir une taille supé­rieure à celle d’un bœuf, une queue battante et des écailles sur le corps, sans compter les dents acérées qui faisaient si peur au bon peuple. N’étaient les six pattes dont l’affuble la légende, il se pourrait qu’il se fût réellement agi d’un croco­dile. Mais la représentation du monstre a évolué jusqu’au XIIème siècle pour ressembler à une espèce de tortue de combat à tête de loup-garou très humaine. Depuis cette date, l’effigie qui est exhibée en procession le lundi de Pentecôte est restée pratiquement inchangée.

Repliée dans une remise le reste de l’année, la bête est faite d’une toile orangée épaisse, recou­verte de piquants et d’écailles, soutenue par des arceaux. Dépliée, elle mesure une dizaine de mètres de longueur. Douze, quatorze ou seize chevaliers de la Tarasque prennent alors place, pour moitié à l’intérieur (ils représentent les hom­mes dévorés par le monstre), pour moitié à ses côtés. La foule, dense, applaudit mais reste sur ses gardes. C’est que les naseaux de la Tarasque cra­chent le feu, que ses élans subits bousculent les badauds (il y avait autrefois plusieurs morts à cha­que sortie!) et se défend: les chevaliers servants cinglent à coups de nerfs de bœuf les intrépides qui prétendent s’accrocher à la carapace.

Puis le monstre, après avoir parcouru un itinéraire qui est sans doute celui de pénitents d’autrefois, rentre dans l’ombre. Alors apparaissent les confré­ries de vignerons, de mariniers, de portefaix, de bergers. Mais attention! Le folklore n’est pas de tout repos. Des tonneaux risquent de se renverser sur la foule, une corde cingle sur le pavé et oblige les badauds à sauter prestement, la gourde de vin qu’offrent les vignerons est truquée et coule sur le pourpoint. Ne riez pas au passage des bergers, ils vous barbouilleraient d’huile noircie. Même l’eau que les mariniers écopent d’une barque ne suffirait pas à vous redonner visage humain.

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