Les parents de Pétrarque, fuyant Florence, se sont exilés en Provence alors que le petit François n’avait que neuf ans. Le poète est donc plus Provençal qu’Italien, même si ses racines et sa culture maintiennent un lien particulier avec la péninsule. Ce n’est pas un hasard si le couronnement de «Pétrarque le Poète» a lieu à Rome alors que l’inspiration même de ses poèmes est provençale.
Pétrarque a vingt-trois ans lorsqu’en l’église Sainte-Claire d’Avignon, son regard découvre, émerveillé, les yeux de Laure. Elle est déjà, dit-on, mariée. Qui est-elle? Qu’importe car l’amour de Pétrarque pour Laure ne se nourrit que d’images, de rêves, d’illusions et de pressentiments. Dans le lieu clos où il s’est réfugié (à proximité de la Fontaine de Vaucluse) il voit Laure dans chaque merveille de la nature.
Sonnet 208 (Au Rhône)
Fleuve prompt, né de la veine alpestre
Et qui, rognant tes bords (d’où ton nom, maintenant)
Nuit et jour avec moi et mon désir descends…
Où me conduit Amour, toi, Nature, te mène.
Fatigue ni sommeil ne freinent ton avance.
Va! mais avant d’offrir à la mer redevance,
Vois comme l’herbe ici est mieux verte en les champs…
Plus singulier, le calme, en l’haleine du temps.
C’est notre doux Soleil vivant qui embellit
Ainsi ta rive gauche et toute la fleurit.
Si j’étais assuré que mon regard l’atteint!
Baise ses pieds ou bien sa belle et blanche main.
Dis-lui: Que le baiser tienne lieu de paroles.
Le corps va lentement tandis que l’esprit vole…
Lorsque Laure meurt, le 6 avril 1348, vingt-et-un ans jour pour jour après la rencontre d’Avignon, Pétrarque est en Italie. De Laure il n’aura donc jamais croisé qu’un regard. Tout le reste est mystère et poésie. Eût-il existé un poète du nom de Pétrarque, célèbre pour les Triomphes et Sonnets tout empreints de Laure, s’il n’y avait eu en l’église Sainte-Claire deux beaux yeux inconnus?