En guise de conclusion

 CSP_0086

Retour au sommaire

Sur la carte du monde, la Sardaigne n’est qu’une tache, la Corse qu’un point. Point et tache sem­blent si proches l’un de l’autre. Et la mer si pré­sente! On imaginerait volontiers des plages à perte de vue, des populations sans caractère, comme dans ces îles pour touristes, entre tropique et tro­pique, qu’affectionnent tant hommes d’affaires et agents de voyages.

Que les clients potentiels de paradis ensoleillés se détrompent. Il n’y a place pour eux, ni en Sardaigne, ni en Corse, même si des promoteurs avisés tentent, à coups de millions de publicité et d’hôtels de luxe, de faire croire le contraire.

Si la Corse et la Sardaigne étaient vraiment libres, elles le feraient bien savoir. Mais le poids de l’argent est plus fort que la sagesse des mots et des traditions. Si peu que l’histoire ait conservé de la Corse, autant que la volonté populaire ait pré­servé des outrages, tout cela est en péril. Péril de normalisation économique, touristique, humaine. Et comment reprocher aux habitants de ces mor­ceaux de montagne et de caillasse leur envie de confort, de télévision et de travail salarié.

Heureu­sement, la pesanteur du passé, la cicatrice des malheurs et la leçon des vicissitudes continuent de rappeler à ces sages d’un autre âge qu’on ne lâche pas impunément la proie pour l’ombre. Don Meloni, curé d’Argentiers, le sait bien, lui qui, de son église perchée sur la colline, contemple la mine abandonnée, que viennent battre les vague­lettes de la Méditerranée.

Pendant des siècles, per­sonne ne vivait ici. La malaria menaçait. Puis l’épidémie s’est apaisée et on a, enfin, pu mettre en exploitation le minerai argentifère qu’un siècle plus tôt Honoré de Balzac convoitait déjà. Las, le capital est volage. Après s’être assuré le travail de centaines d’ouvriers débauchés de leurs maigres cultures des collines, le consortium minier s’est désintéressé d’une si petite production.

La mine a fermé. Quelques dizaines de familles sont restées sur place, survivant tant bien que mal grâce à une modeste pension. D’autres sont partis vers la ville. Mais, là-bas aussi, des entreprises ferment. Seuls, ceux qui ont regagné leur village, repris la charrue de l’agriculteur ou le bâton du berger, ont peut-être retrouvé le bonheur. Quant à Don Meloni, qui n’a plus célébré un mariage depuis des années, il maugrée: le capital est encore en train de faire des siennes.

Les bâtiments abandonnés sont en cours de transformation, les maisonnettes encore habitées seront expropriées. Des promo­teurs touristiques ont trouvé un charme désuet et romantique à ce lieu où, des décennies durant, des hommes ont trimé dans la poussière, à quelques mètres de cette mer du milieu dans laquelle ils n’avaient pas même le temps de se baigner.

Bien­tôt, on viendra ici en charter, on prendra Don Meloni en photo. La Sardaigne, elle, n’aura rien à y gagner et beaucoup – à commencer par son âme – à y perdre. Il est des lieux où l’on doit se satis­faire du statut d’hôte et ne pas revendiquer les droits de l’envahisseur. Corse et Sardaigne, pour qui le malheur est toujours venu de la mer, le savent mieux que quiconque.

Fin.

 

 

 

Laissez un commentaire. Merci.