a. Premiers chevaux

Dia077.0005 

Lors de son second voyage, en 1493, Christophe Colomb avait longé les côtes américaines et s’était arrêté dans l’île de Saint-Domingue, où il avait amené du bétail et des chevaux. Dans les années qui suivirent, une partie de ces animaux ou de leurs descendants furent transférés au Mexique par Gregorio de Villalobos, qui y créa un premier élevage dans sa propriété de Cuernavaca.

Peu à peu, ces animaux furent amenés dans de nouveaux « ranchos » situés dans les provinces de Sonora, Durango et Chihuahua. Certains élevages comptaient alors des troupeaux de plus de 10.000 têtes. Mais à cette époque, le bétail n’était pas retenu par des clôtures et nombre d’animaux se réfugièrent dans des zones proches et encore inexplorées, où ils trouvèrent des conditions très favorables à leur vie et à leur reproduction. Retournant ainsi à un état totalement sauvage, ces chevaux et bovins d’origine espagnole constituèrent d’innombrables troupeaux qui se mirent à sillonner les régions semi-désertiques situées au sud de l’Arizona.

A cette époque, la seule valeur du bétail résidait dans la peau, destinée à la fabrication du cuir, et dans la graisse, d’où on tirait le suif nécessaire aux chandelles. C’est dire que son importance économique restait relative. Il n’y avait alors aucun intérêt à déplacer les troupeaux vivants . Il suffisait de tuer le nombre de bêtes dont on souhaitait traiter la peau ou le suif.

Cette situation évolua avec 1’implantation de missions catholiques, qui devaient subvenir à la nourriture de leurs membres. Le capitaine Alonso de Leon amena ainsi les premiers troupeaux de boeufs et de chevaux au Texas en 1690, à la Mission de San Francisco de los Texas. Cependant, la plupart de ces missions subvenaient entièrement à leurs besoins, en particulier en prélevant sur leurs troupeaux le seul surcroît de bêtes nées d’une année à l’autre. Les vachers devaient donc attraper les bêtes destinées à l’abattage. Mais ils n’avaient généralement pas à conduire de troupeaux sur de grandes distances.

Peu à peu furent également installés des « ranchos », dont les membres se limitaient à la cellule familiale et n’atteignaient donc pas l’importance des « haciendas », véritables villages avec église et maisonnettes installées autour d’une grande ferme centrale.

Nombre de ranchos furent construits dans la région de San Antonio. Il y en avait une cinquantaine en 1800 et, après la guerre d’indépendance du Texas en 1736, cette région fut revendiquée à la fois par le Texas et le Mexique. Du coup, elle devint un véritable no man’s land où vaches et taureaux, que les Espagnols n’avaient pas pour habitude de castrer, se réfugièrent après s’être échappés du domaine de leurs propriétaires, et où ils se multiplièrent à un rythme effréné. Petit à petit, l’aspect de ces animaux évolua, leur taille devint plus robuste et leurs cornes, pour leur permettre de faire face aux animaux prédateurs, plus longues et plus acérées. Vaches et taureaux  couraient beaucoup plus vite que leurs ancêtres domestiques et apprirent à déjouer la plupart des pièges, ceux de la nature et ceux de l’homme qui, par brèves incursions, venait tirer sur les bêtes de ces troupeau comme on traque un véritable gibier. Ces « vaquerias », au cours desquelles de petits groupes d’hommes parvenaient à abattre des centaines de têtes, constituaient de véritables fêtes. Mais elles étaient également rémunératrices. La graisse des « longhorns » était en effet prisée et se vendait fort cher car elle était si dure que les bougies ainsi fabriquées ne fondaient pas, même par les plus chaudes journées d’été.

Le cheval mustang

Il n’y avait pas – ou plus – de chevaux en terre américaine lorsque Christophe Colomb découvrit le Nouveau Monde. Comme les bovins, les premiers chevaux arrivèrent en 1493 à bord des caravelles qui abordèrent les rivages de l’île d’Hispaniola, la future Saint-Domingue. La plupart furent ensuite transférés au Mexique. A la différence du bétail, les chevaux avaient aussitôt été utilisés pour les incursions militaires destinées à asseoir le pouvoir des Conquistadors et avaient donc pénétré plus rapidement jusqu’à la limite de territoires inexplorés. Là, volés par des Indiens ou simplement échappés à la surveillance de leurs maîtres, ils avaient gagné des régions inconnues et s’y étaient rapidement reproduits. Revenus à l’état sauvage, ils avaient ensuite traversé par hordes entières l’immensité américaine jusqu’à atteindre, dans les années 1750, la frontière du Canada.

Ces chevaux fuyards et sauvages, les vaqueros mexicains les nommaient et « mestenos ». Telle est l’origine du mot, anglicisé, que les cowboys utilisent encore pour parler d’un tel animal: mustang.

Le mustang ne présentait d’intérêt ni pour sa viande, ni pour sa peau. En revanche, les vaqueros se rendirent rapidement compte des particularités et avantages que le retour à l’état sauvage avait conférés à ces descendants de chevaux andalous, souvent métissés avec des races nordiques importées plus tard par les colons venus d’Angleterre ou de France. Les mustangs s’étaient si bien adaptés aux lieux, ils avaient eu tellement à se battre pour survivre, que la sélection naturelle, doublée de métissages que personne n’avait songé à effectuer en Europe, avait donné naissance à un animal extrêmement vif et observateur, si rapide que le cavaliers montés sur leurs propres chevaux ne parvenaient pas à les rattraper dans la plaine.

Pour les capturer, il fallut donc mettre au point différentes méthodes. La plus efficace consista à construire des corrals en forme d’entonnoirs, cachés à l’abri de taillis, pour y pousser ensuite des groupes entiers de mustangs. De chaque groupe ainsi capturé, les chasseurs de chevaux ne retenaient alors que les éléments les plus beaux.

D’autres « mustangers » (chasseurs de chevaux) préféraient au corral caché la méthode de la balle dans le front, qui consistait à se dissimuler au point d’approcher un mustang à portée de tir et à viser entre les yeux, selon un angle qui faisait que la balle ne pénétrait pas l’os du crane mais se contentait de ricocher sur lui, provoquant un choc qui ne tuait pas mais étourdissait l’animal pour un long moment. Il ne restait plus alors qu’à l’entraver et à entreprendre un dressage à la dure. Hélas, ce procédé était si précaire que nombre de chevaux étaient tués ou irrémédiablement blessés et que même ceux qui n’avaient été qu’assommés se remettaient difficilement d’un coup si violent.

Une autre méthode consistait à poursuivre à plusieurs cavaliers, jour et nuit, une troupe de mustangs, jusqu’à leur exténuation complète, sans jamais leur permettre de boire, de manger ou de se reposer mais il arrivait souvent que les chevaux montés par les « mustangers » s’épuisent plus vite que ceux qu’ils étaient chargés de poursuivre et, de toute manière, de telles expéditions présentaient l’inconvénient que, même couronnées de succès, elles emmenaient les protagonistes très loin de leur point de départ, les obligeant à un difficile retour avec des montures exténuées tirant à la corde des mustangs, eux aussi fourbus, mais toujours rebelles et récalcitrants.

Un quatrième procédé, assez courant parmi les Indiens du Mexique, consistait à envoyer un très jeune chasseur, souvent un garçonnet ou une fillette d’une dizaine d’années, pour qu’il pénètre lentement, avec son propre mustang apprivoisé, la troupe des mustangs sauvages, qui le reconnaissaient pour sien et ne prêtaient pas attention au petit humain qui le montait. L’enfant choisissait alors la proie qui lui semblait la meilleure, chevauchait à ses côtés puis, soudain, bondissait de son propre cheval sur le dos du mustang sauvage, lui passant aussitôt une première bride autour du cou et partant au galop avec lui jusqu’à ce que, rompu de fatigue, l’animal se laisse guider vers un corral ou un piquet.

Bien plus tard, cette manière d’attraper les chevaux sauvages fut reprise et améliorée par un ancien esclave texan, Bob Lemmons, qui avait tellement bien assimilé le mode de vie et les comportements des mustangs qu’il parvenait à entrer à pied dans la horde. Là, il choisissait le cheval qui lui semblait le plus docile et le montait en douceur. Mais il ne tentait pas de l’extirper du groupe puisque son but n’était pas de capturer un mustang, mais tous les mustangs. Aussi, il restait ensuite de nombreuses heures au sein de la horde. Puis, peu à peu, il faisait que son cheval prenait la tête de la troupe. Il le dirigeait alors vers un lieu où ses comparses avaient préparé un corral de fortune, tant et si bien qu’il parvenait à faire entrer en une seule fois plusieurs douzaines de mustangs sauvages dans cet enclos, sans les brusquer et sans même qu’ils s’en aperçoivent.

Les mustangs les plus rétifs à 1 ‘homme semblent avoir été les albinos. Ils étaient si rares qu’à en croire la légende, il n’en existait qu’un, baptisé « Pacing White Steed », « Fameux coursier blanc ». Malgré de nombreuses primes offertes pour sa capture, « Pacing White Steed » ne se laissait jamais rattraper. Un jour pourtant, dans la région de San Antonio, un groupe de « mustangers » parvint à le débusquer et le poursuivit sur plus de 300 kilomètres. Finalement, éreinté, l’animal se laissa prendre au lasso et les hommes entreprirent de faire en sens inverse le chemin qu’ils avaient parcouru à la poursuite du mustang albinos. Mais « Pacing White Steed » refusa obstinément de boire ou de manger et finit par mourir d’inanition avant que les chasseurs aient regagné leur camp de base.

D’autres mustangs préféraient, eux aussi, le suicide à la capture. « Le Fantôme » était de ceux-là. Poursuivi pendant plusieurs jours par un groupe de chasseurs emmené par le Texan Frank Collison, « Le Fantôme » se laissa finalement rejoindre sur une corniche qui surplombait un marécage. Lorsque les cavaliers furent près de lui, « Le Fantôme » entra dans la fange et sombra lentement dans les sables mouvants. Il ne fit rien pour échapper à la mort, ne se débattit même pas, et disparut finalement au regard de Frank Collison, qui raconta ensuite avoir ainsi compris qu’un cheval, comme un homme, pouvait être assez intelligent pour préférer la mort à la captivité.

Tous les mustangs n’avaient pas la détermination du « Fantôme » et nombreux se retrouvaient un beau jour, suite à une longue poursuite ou à une simple embuscade, dans un corral improvisé. Commençait alors un travail de dressage particulièrement expéditif, puisqu’il n’était pas question, comme cela se fait aujourd’hui dans les ranches, d’en étaler la durée sur plusieurs années, avec un bref contact la première et une véritable prise en mains la suivante. Non. Il fallait que le mustang se soumette immédiatement à 1’homme, afin qu’il puisse être monté aussitôt pour participer aux travaux quotidiens. Chaque « broncobuster » avait son secret pour amadouer ou terroriser le mustang. Souvent, les premiers instants étaient les plus importants. Ainsi, certains s’approchaient, une simple cravache à la main et, brutalement, sans prévenir, en assénaient deux ou trois coups particulièrement nerveux entre les yeux du cheval qui, surpris et comme hébété, restait parfois plusieurs minutes sans réactions, instants que le dresseur mettait à profit pour lui passer une première bride, arrimer ensuite une selle et y prendre place, laissant alors le mustang l’emporter au galop dans la plaine et le montant sans relâche ni répit jusqu’à ce qu’exténué, l’animal accepte cette tutelle que ni lui ni plusieurs générations de ses ancêtres n’avaient connue.

Laissez un commentaire. Merci.