Le dimanche 21 mai 1854, jour de la Sainte-Estelle, sept poètes festoient dans la maison de l’un d’entre eux, Giéra, à Font-Segugne. Sept comme les muses. Sept comme les membres de la Pléiade, ceux de la Grèce antique et ceux de la Renaissance française. Outre Giéra, on reconnaît Mathieu, Brunet, Tavan, Aubanel, Roumanille et Mistral. Ce dernier, qui n’est alors guère connu, propose, en souvenir d’un texte poussiéreux faisant allusion aux «sept félibres de la loi», de baptiser Félibrige le groupe qu’ils viennent de créer.
La loi du Félibrige sera de restaurer l’usage de la langue provençale, couramment utilisée avant l’avènement des comtes d’Anjou, voilà six siècles, et peu à peu abandonnée depuis, tant du fait d’interdictions (l’Edit de Villers-Cotterêts stipule la rédaction en langue française de tous les actes administratifs) que de celui des Provençaux, coupables d’avoir trop souvent partagé à l’égard de leur culture le mépris des étrangers.
Les félibres entreprennent aussitôt la rédaction du premier numéro de l’«armana prouvençau», un almanach que Mistral promet «bienvenu des paysans, goûté par les patriotes, estimé par les lettrés, recherché par les artistes».
Ce n’est que le début de la merveilleuse aventure. Mistral, en parallèle, travaille à la mise au point d’un véritable monument, le Trésor du Félibrige, un dictionnaire de la langue provençale qui fait, aujourd’hui encore autorité. Et il écrit Mireille, poème de lumière et d’amour qui propulsera son auteur au faîte de la gloire mondiale et attirera, du coup, l’attention sur le fait culturel provençal.