Guatemala-City. Chaque matin, les journaux de la capitale publient, en première page, les corps mutilés, les visages fous de douleur posthume, d’une demi-douzaine d’inconnus dont les cadavres ont été retrouvés, criblés de balles, dans les fossés de la banlieue ou dans des chantiers en construction, au centre même de la ville.
Hier encore, certains de ceux qui sont morts dans la nuit ignoraient que leur fin étrait si proche. Il a suffi qu’ils aient été les témoins involontaires d’un quelconque forfait, d’une réunion de guérilleros de gauche du de droite, pour que quelqu’un, quelque part, ait jugé bon de les supprimer ou de les faire supprimer. A moins que, simplement, leur allure ait laissé penser qu’ils avaient un peu d’argent sur eux. Il peut aussi s’agir de gens plus riches, directeurs d’entreprises par exemple, qui ont été enlevés contre rançon dont le paiement s’est fait trop attendre.
C’est fou ce qu’on peut tuer, au Guatemala. Récemment, un Suisse, Harry Fiedler, et son fils ont été assassinés tout près de Guatemala City. Bien sûr, on n’a pas retrouvé les auteurs.
Harry Fiedler habitait une petite maison à 5 km de Guatemala Cita, à proximité de la route pour Chichicastenango. Il était retourné pour quelques jours en Suisse à l’enterrement de son père. Pendant son absence et avec la complicité du gardien, une douzaine de malfrats sont entrés dans la maison. Ils ont ligoté, questionné et semble-t-il. torturé pendant deux ou trois jours son fils de seize ans. Ils voulaient savoir où se trouvait le magot car ils étaient bien persuadés que le vieux Harry Fiedler possédait une fortune et la gardait dans sa maison. L’adolescent criait sous la torture mais ne parlait pas – et pour cause puisqu’il savait bien que jamais son père n’aurait eu l’idée de laisser quelque valeur que ce soit chez lui.
Le troisième soir, les bandits tenaient toujours l’adolescent lorsque le bruit d’une voiture parvint à leurs oreilles, Harry Fiedler était rentré de Suisse, il arrivait, la portière claqua au bout du chemin. Le fils, dans un bond, se jeta hors de la pièce où on le gardait prisonnier et courut en direction de son père pour, le prévenir du danger. Un coup de feu, un deuxième, et le gamin tomba, mort, dans l’allée. Son père se mit à courir, poursuivi par, les bandits. Il parvint jusqu’à la route et se mit à appeler au secours. Il était certain que, derrière leurs volets, les voisins qu’il connaissait bien avaient entendu les coups de feu et les appels mais pas un volet ne s’ouvrit, pas une lumière ne s’alluma. L’homme courait toujours mais commençait à fatiguer, les autres finirent par le rattraper et, froidement, l’abattirent. On retrouva son corps le lendemain, sur le talus, à quelques mètres des villas dont les propriétaires et leurs employés, interrogés par la police, jurèrent qu’ils n’avaient rien vu et rien entendu. C’est sans doute au prix de ce silence qu’ils sont toujours en vie. Quant au gardien de la maison des Fiedler , on ne l’a jamais revu mais rien n’indique que sa trahison lui ait épargné les balles de ses amis.
Ainsi va le Guatemala.