Cascade au centre d’Erevan

La Cascade d’Erevan

A Erevan, on l’aime ou on ne l’aime pas mais, de toute manière, on n’y échappe pas. Elle est là, jaunasse et tarabiscotée, prolongeant et surplombant en pièce montée les allées du centre-ville. Impossible de l’ignorer. Alors, on finit par l’aimer, la Cascade.

Au centre de la Cascade, un cadran solaire dont les heures sont autant de sources vives.

Une cascade à sec, à la soviétique. Une cascade qui monte plutôt qu’elle ne descend. Une succession de jardins suspendus. Symétriques, empilés les uns sur les autres sur 118 mètres de haut, à une inclinaison de 15 degrés. Etonnant que personne n’ait encore songé, en hiver, à en faire une piste de ski.

L’inventeur de cette chose bizarre se nomme Alexandre Tamanian. Arménien de sang, certes, mais né dans le sud de la Russie puis formé à l’architecture néo-classique russe à Saint-Pétersbourg, qui s’apprêtait à devenir Leningrad et où il recevra le Prix Staline.

Alexandre Tamanian apparaît en 1999 sur le billet arménien de 500 drams. (Archives).

Installé à Erevan en 1923, Tamanian transforme en quelques années cette petite ville de province en capitale moderne. Il dessine la place de la République, conçoit l’Opéra et imagine la Cascade, dont les travaux ne commenceront qu’un demi-siècle plus tard et qui restera inachevée et en ruines jusqu’au début des années 2000.

« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux » (Antoine de Saint-Exupéry). A Erevan, il faut pénétrer dans le cœur de la Cascade pour que les yeux s’émerveillent enfin car la Cascade recèle des trésors insoupçonnés. A couvert, un double escalator relie la base et le sommet du monument, privatisé en 2002 en vue de la création du centre d’Arts Cafsejian.

Le chantier de la Cascade en 2007 ( Documant Bouarf)

Mort en 2013, Gérard Cafesjian avait fait fortune aux Etats-Unis mais, comme bon nombre des Arméniens de la diaspora, il n’avait jamais oublié le pays de des ancêtres et rêvait de participer à sa renaissance. Mécène et collectionneur, c’est donc tout naturellement qu’il se proposa pour achever les travaux de la Cascade d’Erevan et y loger un extraordinaire musée d’art contemporain.

Ouverts au public, les escalators courent sous une voûte longue de près de 300 mètres, émaillée de multiples créations contemporaines et s’ouvrant, étage après étage, sur d’immenses et incroyables salles d’exposition, accessibles en échange de quelques drams. A noter en particulier le Swarovski Crystal Palace qui, à lui seul, vaudrait déjà la visite.

Une oeuvre de cristal signée Swarovski.

Cerise sur le gâteau, la collection de Gérard Cafesjian déborde largement sur les allées et jardins situés en contrebas de la Cascade.

Le parc Cafesjian vu du sommet de la Cascade. Au fond, l’Opéra.

Plusieurs dizaines de sculptures monumentales y sont présentées, parfaitement intégrées à la dimension populaire du lieu. Les familles, installées sur les bancs, papotent ainsi au cœur d’un véritable musée à ciel ouvert parmi les oeuvres de Botero, Plensa, Lalanne ou Woytuk…

Au pied de la Cascade, une des sculptures monumentales de Fernando Botero.

Vue d’ici, vue ainsi, la Cascade fait presque oublier son aspect kitch et prend enfin place au cœur de la ville comme au cœur du visiteur. L’essentiel est invisible pour les yeux…

Finalement, comment ne pas aimer ?

Alex Décotte, juin 2019

  • Sauf mention contraire, les photos sont de l’auteur

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