e. Le voyage aujourd’hui

 

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Provence et Camargue sont devenues, aujour­d’hui, terres de prédilection du tourisme. Un tou­risme souvent individuel mais qui, le nombre aidant, produit les effets désastreux d’un tourisme de masse. Faute de travail, la population locale émigre vers le nord, s’étiole, vieillit. Elle est rem­placée, six mois par an, par une horde de vacan­ciers qu’attirent d’abord le soleil et la mer. Que leur importent le passé, l’Histoire, la culture? Cer­tes, il y a les festivals. Avignon. Orange. Vaison-la-Romaine. Carpentras. Cannes. Festivals qui s’a­dressent autant, sinon plus, à l’étranger (entendez par là le non-provençal) qu’à l’habitant de Pro­vence. A preuve la culture qui y bouillonne: cinéma, théâtre, musique y sont internationaux, planétaires. Pas provençaux. La Provence n’est que le cadre de rencontres qui la dépassent.

L’architecture, elle aussi, se détériore. Pour un mas provençal, que de mièvres copies! Et que de cubes sans âme, pareils à ceux des villes du nord que délaissent pourtant, le temps d’un été, les vacanciers!

Du nord aussi la pollution que charrie le Rhône et qui compromet de plus en plus l’équilibre naturel de la Camargue.

Du nord aussi cette pratique de l’indifférence, du chacun-pour-soi, de l’égoïsme qui, peu à peu, déteint sur les habitudes locales. Du nord les programmes de télévision, véhicules d’une pseudo-­culture désincarnée. La Provence, pas plus que les autres, n’y échappe. Il y a beau temps que, malgré l’eau claire des fontaines, on fait la lessive comme dans les spots publicitaires. Beau temps que les contes de la veillée ont cédé le pas au feuilleton américain.

Pourtant, malgré les contraintes, les attaques sour­noises, les abandons et les trahisons, la Provence résiste. Ses paysages continuent de ressembler à ceux de Cézanne ou de Van Gogh, sa langue n’est toujours pas le parler pointu de Paris, le pastis n’y a toujours pas le même goût qu’au nord de

Valence (à croire qu’on met dans des bouteilles identiques un breuvage différent…) et, surtout, les rythmes restent paisibles, humains, harmo­nieux.

Tout ce que touche la Méditerranée est pourri, affirme un vieux dicton. Ce que touche le touriste aussi, serait-on tenté d’ajouter. Aussi, tant pour une meilleure découverte de la Provence que pour la sauvegarde de ce qui fait son attrait, serait-on bien inspiré de s’y rendre en voyageur attentif plutôt qu’en touriste désinvolte.

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