Avec les beaux jours revient en effet le temps des courses. Nulle bourgade n’en organise moins de trois ou quatre entre juin et octobre. Une partie des manades se trouvant alors hors du triangle camarguais, les courses se déroulent souvent dans les régions limitrophes, particulièrement à l’ouest et au nord-ouest de la Camargue vraie. Il faut d’ailleurs préciser que les paysages marécageux propres à la Camargue ne cessent pas d’un coup, passé les deux bras du Rhône enserrant le delta. Si la Camargue géographique est nettement délimitée, la Camargue humaine déborde largement de telles limites. Pour simplifier, disons qu’elle atteint une ligne reliant Tarascon au Graudu-Roi, en englobant Bellegarde, Vauvert, le Cailar, Aimargues, Marsillargues, St-Laurent d’Aigouze et Aigues-Mortes.
La course camarguaise est très différente de la corrida espagnole. Le taureau n’est pas mis à mort, ni même blessé. Il s’agit seulement, pour les «raseteurs» amateurs ou professionnels, de se saisir, à l’aide d’un peigne spécial tenu en main, de la cocarde, tendue sur le front, et des deux glands de laine, fixés à la base des cornes.
L’acteur numéro un est indiscutablement le taureau. Le public le connaît par son nom, c’est lui qui figure en grosses lettres sur les affiches, lui aussi qui se verra décerner, en fin de saison le «biou d’or», insigne récompense attribuée par les professionnels au taureau le plus «vaillant» de l’année. Certains taureaux sont restés célèbres. «Le Sanglier» a même un monument, érigé à sa mémoire, à l’entrée du Cailar!
L’acteur numéro deux est le raseteur. Vêtu d’une sobre tenue blanche, chaussé d’espadrilles souples, il doit faire preuve d’astuce, de courage, de rapidité et de souplesse. Astuce pour attirer le taureau furieux dans la partie de l’arène où il pourra le mieux le «raseter» (tourner brusquement devant l’animal selon un angle trop aigu pour que le fauve puisse l’encorner). Courage parce que, hormis les courses de vachettes réservées aux enfants, les cornes effilées du taureau sont nues, et non emboulées. Rapidité parce que, après avoir décrit une trajectoire plus ou moins ample, le taureau revient dans l’axe du razeteur et tente de le rattraper avant qu’il n’ait atteint les barrières. Souplesse parce que les barrières sont hautes et que le raseteur doit se jeter par-dessus sans perdre une seconde. Il arrive parfois que le fauve les franchisse dans l’élan et se mette alors à courir dans la contre-piste située entre barrières et gradins. Gare alors à qui ne parvient pas à grimper sur quelque aspérité avant le passage du biou.
Un classement annuel des meilleurs raseteurs est établi à la fin de chaque «temporada» (saison) de courses.