l. Pastorales et Noëls

 

D’abord représentées dans les églises, les pastora­les mettaient en scène l’Enfant Jésus adoré par les rois mages, ces derniers étant choisis parmi le clergé alors que l’Enfant Jésus, par respect à moins que ce fût à cause de la difficulté de trou­ver un nouveau-né qui ne perturbât pas la messe de ses pleurs, était figuré par une statue.

A Marseille, la pastorale Maurel prit en quelque sorte la relève des crèches parlantes puisqu’au lieu d’être représentée à l’église, pendant la messe de minuit, elle s’installa sur une scène de théâtre et multiplia les représentations pendant tout le mois de décembre. Pièce en quatre ou cinq actes, elle présente des moutons et leurs bergers, à qui l’ange Gabriel vient annoncer la naissance du Messie. Apparaissent aussi les personnages habituels de la crèche, meunier, bohémien, rémouleur, ainsi que Pistachié, un grand comique qui, au troisième acte, se retrouvera dans l’eau d’un puits, poussé par les ruades de l’âne de Margaride, autre per­sonnage traditionnel de la pastorale. Autant dire que les rires prenaient le pas sur la ferveur, ce qui n’empêchait pas que Maurel fût membre d’un cercle catholique d’ouvriers: en Provence, nul besoin d’être triste pour faire montre de ferveur.

Les pastorales eurent aussitôt un succès retentis­sant. On en représenta partout, et jusque sur les bateaux militaires mouillant en rade de Toulon. Au point que, les matelots tenant tous les rôles, on dut un soir repousser le début de la représenta­tion, la Sainte Vierge n’ayant pas fini de se raser…

La tradition des pastorales s’est poursuivie jusqu’à nos jours mais a regagné les églises, faisant partie intégrante de la messe de minuit. Il n’y a pas si longtemps, les pêcheurs de Marseille apportaient en offrande leurs plus beaux poissons, au milieu de l’office et, chaque année, la pasto­rale des Baux attire un public où, malheureuse­ment, les curieux prennent peu à peu le pas sur les villageois. Il est vrai que le spectacle des bergers gravissant la colline, à la nuit tombée, dans une atmosphère antique de mystère et de recueillement, pour venir faire présent d’un agneau, face à l’autel, a de quoi toucher les cœurs les plus indifférents.

Mais ce sont sans doute les noëls qui, aujourd’hui, donnent l’image la plus fidèle de la ferveur popu­laire. A mi-chemin entre le cantique et la chanson, ces noëls ne sont pas d’origine provençale. Des ménestrels allemands allaient autrefois en interpréter dans les rues; l’Angleterre, l’Espagne, l’Italie ont chanté et chantent encore des noëls d’une grande beauté et d’une grande profondeur. Mais les noëls provençaux, dont les airs furent généralement empruntés à des gavottes ou menuets, ont développé un côté spontané, badin, ironique et affectueux qui les rend uniques.

Le plus connu des noëls est celui de l’Avignonnais Saboly. Ses chants, composés au dix-septième siècle, ont conservé fraîcheur, bonhommie et sagesse. Et, donc, actualité. Mistral écrivait à son propos:

«C’est lui le boute-en-train des joies de Noël, c’est lui l’organisateur de la grande veillée. Aux Provençaux, pour Noël, il faut Saboly, comme pour Pâques, il faut des œufs et, pour les Rameaux, le plat de pois chiches.»

Mistral ne se trompait pas. Les airs de Saboly sont encore sur les lèvres de tous les Provençaux.

 

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