i. Le pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer

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De même qu’il imagine une Camargue peuplée de chevaux blancs alors que le véritable roi de la Camargue est le taureau noir, de même le touriste hâtif suppose-t-il la Camargue peuplée de Gitans­-à-guitare-et-roulotte. La réalité est bien différente.

Selon la légende, les deux Maries, Jacobé et Salomé, escortées par leur humble servante égyp­tienne, Sara, dérivaient sans eau ni vivres, sur une embarcation sans voile ni rames. Elles venaient de Palestine et, grâce à la protection divine, elles accostèrent, vivantes, sur le rivage de Camargue, en l’an 40 de notre ère. Jacobé était la soeur de la Vierge, Salomé la mère des apôtres Jacques et Jean. De Sara, on sait seulement qu’elle avait la peau noire.

Les deux Maries employèrent le reste de leur vie sur terre à évangéliser la région, créant les pre­miers foyers chrétiens. Dès leur mort, leur tom­beau devint l’objet d’un culte. Un oratoire, puis une église fortifiée, furent construits à l’emplace­ment de l’ancien «oppidum Râ» où elles avaient débarqué. Bien avant le moyen-âge, les pèlerinages y étaient déjà nombreux mais, seules, les deux Maries étaient l’objet de la ferveur populaire. Sara restait dans l’ombre et les Gitans n’avaient pas encore fait leur apparition.

C’est seulement, semble-t-il, au milieu du XVème siècle que les premiers Gitans découvrirent l’exis­tence de la Camargue. En 1449, l’évêque de Mar­seille décréta en effet que les reliquaires des Sain­tes seraient exposés et les châsses descendues, les 24 et 25 mai, ainsi que le 22 octobre. Le 25 mai étant la fête de Marie-Jacobé, le 22 octobre celle de Marie-Salomé, on doit en déduire que le culte de Sara, le 24 mai, eut lieu à partir de cette épo­que.

Il ne faut pas croire pour autant que les rapports entre pèlerins provençaux et gitans furent cor­diaux. Chacun restait dans son coin, dans son rôle. Il faudra attendre «Lou Marqués» pour que se fasse un rapprochement entre gardians et gitans. D’ailleurs, aujourd’hui encore, les Saintois déser­tent quasiment la ville le 24, l’abandonnant pour un temps aux nomades venus vénérer Sara, après avoir pris la précaution de cadenasser portes et devantures! Et, dès le lendemain, les Gitans sont très officiellement priés de quitter les Saintes-Maries-de-la-Mer avant 18 heures!

Il n’empêche que, séparément ou ensemble, gar­dians et Gitans vivent là des heures d’une intense ferveur et d’une grande solennité. La messe célé­brée dans la très belle église fortifiée, les centaines de cierges allumés en l’honneur de Sara, la pro­cession des Gardians et des Gitans en direction de la mer, où a lieu l’immersion rituelle des châsses, sont des instants d’une grande beauté. Il me semble pourtant qu’ils appartiennent à la vie privée des fidèles et des pèlerins. Le touriste en short ne devrait pas y trouver place. C’est pour­quoi je m’en voudrais de détailler plus avant les actes mystérieux et intimes pour lesquels quel­ques centaines de croyants parcourent, une ou deux fois l’an, des milliers de kilomètres.

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