Underground à Atlanta

 

Quitté Mexico vers 10 heures mais, avec le décalage et, surtout, l’invraisemblable attente pour le contrôle d’identité, il est près de 17 heures lorsque je prends le volant de la Chevrolet Corsica louée pour 60$ par jour. Approche d’Atlanta par le sud, artères démesurées et sky-line de toute ville américaine rapidement grandie. Il y avait 700.000 habitants dans les années soixante. Il y en a 2,5 millions aujourd’hui. Première vision, celle du stade couvert de 45.000 places où l’avant-dernière rencontre entre les Blues Jays de Toronto et les Braves d’Atlanta doit avoir lieu ce soir. Puis la ville et l’interminable Peachtree Street. Sans doute quinze kilomètres de longueur, avec aux deux bouts des groupes de gratte-ciel et, au centre, une zone plus ancienne ou, du moins, plus humaine. Je tourne en rond à la recherche d’un motel. Ressors vers le sud. En dehors des grands axes, quartiers misérables, noirs bien sûr. Retour au centre pour trouver finalement un Travel Lodge bien central, à deux pas d’un Impérial Hôtel en ruines, promis à la démolition et qui sera sans doute bientôt remplacé par un nouveau gratte-ciel.

Le temps de poser les bagages, coups de fil à Kurt Schlenz,  répond à son salon de coiffure et qui m’explique comment le rejoindre. Son salon de coiffure se trouve dans Midtown, vers le nord, à mi-chemin de Buckhead. J’y suis en moins d’une demi-heure et, entre deux clientes, dans son salon petit, au pied d’un immeuble abritant 1200 personnes, essentiellement des fonctionnaires noirs. L’homme a 62 ans, il est originaire de Schaffhouse et a choisi de venir vivre ici en 1953, à la lecture d’une petite annonce dans le journal des coiffeurs. Il travaillait alors à Montreux, ce qui explique sa bonne maîtrise du français, dans lequel les américanismes sont plus fréquents que les germanismes. Il y a une centaine de Suisses à Atlanta. L’un d’eux, Hans B., fut le premier. Envoyé ici par une société suisse qui y avait acheté des terres, il a d’abord exploité une ferme de vaches laitières et continue aujourd’hui d’élever du bétail de boucherie.

Le soir, sur recommandation de Kurt, je vais à l’Underground, un espace de loisirs et d’animation créé en sous-sol, presque au centre. Une rue couverte, vieilles maisons formant mail, nombreux magasins, échoppes, bistrots. Partout, la foule est pendue au poste de TV pour suivre le match de baseball qui oppose à Toronto les Blue Jays aux Braves d’Atlanta. Le gagnant final sera le premier vainqueur de quatre manches successives. Atlanta a perdu les trois premières, puis en a gagné une et, ce soir, va remporter la seconde. Hystérie collective. J’entre au Hooter. Ecrans partout. Pas une conversation mais des silences d’émotion suivis de cris de joie.

Les hôtesses, spécialité du Hooter, sont splendides. Noires pour la plupart, elles doivent avoir entre 16 et 20 ans, sont chaussées de baskets et vêtues d’un joli short orange moulant leur petit cul émouvant de candeur et de rondeurs, sans oublier le t-shirt noué dans le dos pour découvrir de belles cambrures sportives. Celle qui m’accueille fait, paraît-il, de la danse. Elles prennent les commandes et servent, mais elles ont aussi mission, en tout bien tout honneur, d’engager la conversation avec les clients, hommes ou femmes. Elles le font en riant, s’intéressant aux propos des clients et riant avec eux. Tout ça est bien sûr du commerce mais je serais prêt à parier qu’elles y prennent plaisir.

Plus prosaïquement, je me rabats sur un grand plat composé de pattes d’araignées de mer, de crevettes, de salade de fruits de mer et d’un joli tas d’ailes de poulet, enrobées de panure et trempées dans la friture. Pas vraiment mauvais mais un rien gras.

 

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