Le rêve de Richard

Deux cafés noirs et en route,  cap sud-est, vers le « ranch » de Richard. En fait, huit hectares de pré et de collines près de la Wind River, avec un étang, une source, deux  écuries sommaires avec les plaques commémorant les victoires de sa jument Baby au concours de la Sarraz. Richard possède en tout 5 chevaux: 3 juments, un étalon et un poulain, mais voudrait, dans 5 ou 6 ans, revendre le motel pour se consacrer à l’élevage de quarter horses. Risqué. Me fait une démonstration de dressage avec et sans mors, de changement d’allures, de passage sur une planche à bascule, d’ouverture du portail de l »enclos sans poser pied à terre. Il ne pense manifestement qu’à ça. Grand enfant qui ne fait pas ses cinquante ans.

Au centre de Dubois, quatre ou cinq établissements, dont trois en particulier: le Outlow, où éclatent  parfois d’homériques bagarres, le Rustic Pilles avec ses trois billards, son orchestre et son long bar où se retrouvent plutôt les cowboys d’un certain âge, et le le Ramshorn, juste à l’angle, où sévit un orchestre plus jeune et plus bruyant et où viennent les outfitters, en quêtes de filles qui ne semblent pas particulièrement pudibondes. Partout aux murs, des têtes de mouflons, de daims, de rennes, d’élans. Les femmes comme les hommes boivent la bière à la bouteille, Budweiser américaine ou Corona mexicaine.

Outre les bars, deux magasins de taxidermistes, où les chasseurs venus de loin apportent leurs victimes, comme aussi les pêcheurs leurs prises. Un général store, deux ou trois magasins où on achète le pain, la crème glacée et le café chaud. Et plusieurs motels. Celui de Richard, le Branding iron, est le second en prix et luxe, après le Stagecoach. Mais sans doute le plus beau. C’est aussi le seul, du moins en « ville « , à disposer d’un corral pour les chevaux des clients de passage.

Retour vers Jackson Hole. A noter, au milieu des troupeaux et particulièrement ceux de moutons, la présence de lamas, pour des raisons inconnues, ils font fuir les coyotes mieux que n’importe quel chien ou n’importe quelle winchester. Il y a maintenant des élevages de lamas rien que pour ça.

Dans l’immense plaine qui précède la ville, quelques centaines de cerfs sont déjà rassemblés pour affronter l’hiver et fuir les chasseurs. Il y en aura bientôt des milliers. La ville est très touristique. Le plus surprenant est la place carrée centrale. Jardin public enserré par une haie basse et ouvert, aux quatre coins, par une voûte de trois mètres de haut entièrement constituée par des bois de cerfs. Qu’on se rassure: les cerfs perdent leurs bois chaque année, pas la vie. La place est entourée de maisons dignes d’un western spaghetti, toutes en bois. Des magasins d’artisanat et de souvenirs, mais aussi deux bars. Le plus étonnant est le Million Dollars Bar, Toute l’architecture en est constituée par de grosses branches de ces pins qui, ici, se nouent de lourdes boules à intervalles plus ou moins réguliers, effet d’un parasite. Incrustées sur le plat du bar, 16 pièces d’un dollar en or, une devant chaque client. Pas de tabourets mais des selles mexicaines authentiques fabriquées, je crois à Sheridan. Hélas, la renommée du lieu, en attirant les touristes, a chassé les cowboys authentiques, qui ne s’y retrouvent que lors de rares rodéos.

Il va être temps de prendre congé de Richard et de son rêve western devenu réalité.

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