L’avion part à 19 heures mais les fins d’après-midis sont très encombrées à New-York, Il faudra gagner l’aéroport assez tôt, sans doute vers 3 heures. Ultime étape de ce voyage américain, le Metropolitan Museum. Le chauffeur de taxi se nomme Jean- Joseph. Haïtien? Oui. A New-York depuis 18 ans. Trois enfants, une femme haïtienne. Originaire du Cap Haïtien. Nous en parlons, il se sent à l’aise et se confie. Non, il ne souffre pas ici de racisme. Il est noir mais se sent différent des Noirs. Il travaille, lui. Il a dû quitter le Queens, où il habitait, de peur que ses enfants ne soient happés par la drogue. Si les Noirs sont aujourd’hui mal considérés en Amérique du Nord, c’est leur faute.
C’est vrai que lui, à leur différence, a choisi l’Amérique. Les autres y ont été amenés de force. Mais ils ne veulent pas travailler, pas s’instruire. Je ne fais ici que transcrire ses propos, bien sûr. Les leaders noirs sont particulièrement coupables. Par démagogie, ils disent à leurs frères de couleur: – Allez voter (sous-entendu: pour moi). Ils feraient mieux de leur dire : – Allez à l’école. Mais cette situation est aussi le fait des hommes politiques blancs. Ils n’ont aucun intérêt à faire campagne pour la promotion des Noirs: ils ne seraient pas élus.
Les Noirs ne se forment pas, refusent d’apprendre, attendent le welfare comme un droit. Il y aura un jour une explosion mais ce sera la faute des Noirs, qui refusent de faire un effort et qui, en ne s’assimilant pas, finiront par être rejetés. Jean Joseph ne le dit pas mais, même s’ils allaient assidument à l’école, les Noirs fréquenteraient forcément les plus mauvaises écoles. Sans doute me répondrait-il que, si les écoles des Noirs sont moins bonnes que celles des Blancs, c’est encore à cause des Noirs.
Jean-Joseph dit n’avoir jamais souffert de racisme. Lorsqu’il a dû quitter le Queen’s pour Long Island, il a été aussitôt accueilli par des Blancs qui sont venus lui dire quel était le jour de ramassage des ordures et à qui il fallait s’adresser pour faire brancher l’électricité.
Central Park traversé, nous voici devant le Metropolitan Museum of Art. Dans le royaume de l’inculture triomphante qu’est l’Amérique d’aujourd’hui, le « Met » est comme une erreur de casting, une provocation. Le temps de gravir un escalier monumental et nous voilà au milieu d’une quinzaine de Van Gogh, parmi les plus célèbres. Paradoxe: ce sont les plus riches Américains, ceux-là même qui se sont enrichis grâce à l’inculture des autres, qui ont amassé ces trésors et les ont ensuite légués à la collectivité.