Biographie

Bio d’Alex Décotte par Gemini, juillet 2025 (extraits)

Publié le 

Alex Décotte : Le bourlingueur aux racines locales

Portrait d’un pionnier des médias franco-suisses Introduction : Un homme de contrastes, une vision unifiée

Pour saisir l’essence d’Alex Décotte, il faut juxtaposer deux images, deux facettes d’une même existence riche et complexe. D’un côté, le grand reporter, le «bourlingueur» comme il se décrit lui-même, sillonnant la planète depuis près d’un demi-siècle, de la Mongolie à la Terre de Feu, pour en rapporter des récits et des images empreints d’humanité. De l’autre, l’historien local, l’ancre communautaire qui, sur le blog de l’association « Ferney en mémoire », rédige avec une tendresse infinie les nécrologies de ses voisins, amis et figures locales, devenant le gardien méticuleux de la mémoire de son « village de cœur ».Cette dualité apparente entre le global et le local, entre l’aventure lointaine et l’enracinement profond, pourrait sembler paradoxale. Pourtant, elle est l’expression d’une vision du monde singulière et cohérente, façonnée par une formation philosophique et des valeurs humanistes indéfectibles. La carrière d’Alex Décotte, dans sa diversité, est celle d’un «passeur» : un homme qui jette des ponts entre les mondes, qui cherche inlassablement à comprendre et à donner une voix à l’histoire humaine, qu’elle se joue à l’échelle planétaire ou dans les confins intimes d’une communauté transfrontalière. Son parcours n’est pas une succession de métiers, mais une seule et même quête : celle de raconter l’Homme, avec «tendresse, respect et passion». Ce rapport se propose de retracer les multiples facettes de ce parcours exceptionnel. Il explorera d’abord ses années de formation, qui ont jeté les bases de son identité franco-suisse et de son regard journalistique. Il analysera ensuite son ascension en tant que figure incontournable du paysage audiovisuel, où il a redéfini le journalisme de consommation et exploré le monde à travers ses documentaires. Enfin, il se penchera sur sa période la plus récente, celle de l’engagement citoyen et de la transmission, où il endosse le rôle de gardien de la mémoire, tant pour sa communauté locale que pour son propre héritage professionnel.

Partie I : La naissance d’une voix : de la philosophie à la sphère publique (1944-1970)

1.1 Les fondations : une identité franco-suisse et un regard philosophique
Né en France le 27 novembre 1944, Alex Décotte incarne dès ses origines une identité transfrontalière qui définira une grande partie de sa carrière. Cette double appartenance culturelle lui offrira une perspective unique, lui permettant de naviguer avec une aisance rare entre les paysages médiatiques français et suisses, comme en témoignent ses collaborations précoces avec France Inter et la Radio Télévision Suisse.6 Cependant, l’élément le plus structurant de sa jeunesse est sans doute son choix d’étudier la philosophie à Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne.Loin d’être un simple détail biographique, cette formation intellectuelle constitue la pierre angulaire de toute son œuvre. Elle explique le fil conducteur qui relie ses enquêtes de consommation, ses documentaires sur des figures spirituelles comme l’Abbé Pierre, et ses chroniques locales empreintes d’une profonde empathie. Ce n’est pas un hasard si, en décrivant sa propre démarche, il choisit les mots «tendresse, respect et passion». Cette approche, centrée sur la dignité et l’histoire de l’individu, qu’il soit un consommateur lésé, un gaucho de la pampa ou un habitant de Ferney-Voltaire, est la marque d’un humanisme forgé sur les bancs de l’université. Sa formation philosophique n’est pas une note de bas de page académique, mais le moteur éthique et intellectuel qui alimente une curiosité insatiable pour la condition humaine sous toutes ses formes.

1.2 Les premières années de radio : Trouver sa voix sur les ondes
C’est à la radio qu’Alex Décotte fait ses premières armes et que sa voix, au sens propre comme au figuré, commence à se faire connaître du grand public. Au milieu des années 1970, il intègre deux des plus prestigieuses institutions radiophoniques francophones. De 1975 à 1976, il collabore à France Inter, participant à l’émission culte « L’aventure de l’oreille en coin ». Parallèlement, il devient une figure de la Radio Suisse Romande (RSR, aujourd’hui RTS), où il anime notamment l’émission «Effets divers» avec Madeleine Caboche. Cette période initiale démontre déjà sa grande polyvalence. Il passe avec aisance de la programmation culturelle exigeante de France Inter à des formats plus populaires en Suisse. Ces années de radio sont cruciales : elles lui permettent d’affûter son style, de maîtriser l’art du récit oral et de tisser un lien de proximité avec les auditeurs, un capital de confiance qui s’avérera essentiel pour la suite de sa carrière télévisuelle.

1.3 Le « bourlingueur » en version imprimée : la collaboration avec Maximilien Bruggmann

Alors même qu’il s’impose à la radio et à la télévision, Alex Décotte développe une autre facette de son identité, celle de l’écrivain-voyageur. Cette dimension de sa carrière est indissociable de sa longue et fructueuse collaboration avec le photographe Maximilien Bruggmann. Ensemble, ils forment un duo où le texte immersif de Décotte dialogue avec la puissance visuelle des images de Bruggmann, créant des œuvres qui transcendent le simple carnet de voyage. Leur partenariat donne naissance à une série de livres qui marquent leur époque et établissent la réputation de Décotte comme un «grand reporter» de premier plan. Dès 1978, ils publient Gauchos, une plongée dans le monde des cavaliers de la pampa argentine. Suivent rapidement Corse et Sardaigne (1980), Terre de Feu (1980), et Provence et Camargue (1982), publiés aux éditions Silva à Zurich.7 Ces ouvrages ne sont pas des guides touristiques, mais des explorations culturelles profondes, des tentatives de saisir l’âme d’un lieu à travers ses habitants et ses paysages. Cette approche, qui privilégie la rencontre et le temps long, deviendra la signature de tous ses reportages. L’importance de cette collaboration est telle que, des décennies plus tard, Alex Décotte continue d’honorer la mémoire de son ami, notamment en participant activement à des hommages et des expositions au Musée Saharien.

Partie II : Le visage de la Télévision Suisse : enquête, exploration et engagement (années 1970-1990)

2.1 Le Phénomène «À bon entendeur» : forger un nouveau journalisme
En 1976, la Télévision Suisse Romande (TSR) lance une émission qui allait non seulement marquer durablement le paysage audiovisuel, mais aussi transformer la relation des citoyens à la consommation : « À bon entendeur ». Aux côtés de la journaliste emblématique Catherine Wahli, Alex Décotte devient le co-présentateur et l’un des piliers de ce magazine hebdomadaire. Rapidement, l’émission, diffusée en prime time, devient l’une des plus regardées et des plus influentes de la chaîne, un véritable rendez-vous pour des centaines de milliers de téléspectateurs en Suisse romande. Le succès et l’impact de l’émission reposent sur une formule alors novatrice : un journalisme de service public pugnace et indépendant. Loin de se contenter de présenter des produits, l’équipe d’«À bon entendeur» mène des enquêtes approfondies, réalise des tests comparatifs en laboratoire et n’hésite pas à dénoncer les pratiques commerciales trompeuses ou les risques sanitaires. Le ton est direct, parfois même qualifié d’«impitoyable».  Cette posture critique, parfois sceptique face aux promesses du marketing, est précisément ce qui construit la crédibilité du programme. Il ne s’agit pas d’un cynisme stérile, mais d’une démarche constructive visant à armer le consommateur. En mettant en garde contre les dangers des grillades en 1979 ou en révélant la présence de substances nocives dans les emballages alimentaires en collaboration avec la Fédération romande des consommateurs (FRC), l’émission ne se contente pas de critiquer ; elle informe, éduque et donne les outils pour faire des choix éclairés. Ce faisant, «À bon entendeur» a joué un rôle social majeur. Il a contribué à forger une conscience collective de consommateur-citoyen, plus exigeant et mieux informé. L’émission est devenue un contre-pouvoir, une voix pour le public face aux grandes entreprises, et a durablement installé le journalisme de consommation comme un genre essentiel du service public en Suisse.

2.2 Au-delà de la consommation : le documentariste globe-trotter
Si «À bon entendeur» a fait de lui une célébrité dans le bassin lémanique, la curiosité d’Alex Décotte ne pouvait se limiter au seul champ de la consommation. Sa carrière télévisuelle est marquée par une remarquable polyvalence, témoignant de sa passion pour l’exploration sous toutes ses formes. Il contribue ainsi régulièrement au magazine de grand reportage de Jean-Philippe Rapp, « Zig Zag Café », avec des chroniques et des reportages au long cours qui lui permettent d’exprimer sa veine de «bourlingueur». Son expertise en matière de voyage et de récit d’aventure est reconnue au plus haut niveau. En 1982, il est choisi pour faire partie du jury suisse du prestigieux concours de jeunes reporters «La Course autour du Monde», aux côtés d’autres figures du journalisme. Ce rôle de passeur, de découvreur de talents, lui sied à merveille. Mais c’est surtout à travers ses propres documentaires qu’il déploie toute l’étendue de ses centres d’intérêt. Sa filmographie est un voyage à travers les cultures, les spiritualités et l’histoire de l’art. Il emmène les téléspectateurs partager «un hiver sous la yourte» en Mongolie, les guide sur «Les chemins de Compostelle», brosse un «Portrait de l’Abbé Pierre», explore le mythe du «Western» américain, suit les traces de «Gauguin à Pont-Aven» ou part à la rencontre du «Gringo de La Paz». Chacun de ces films est une nouvelle manifestation de sa quête humaniste : comprendre les hommes et les femmes dans leur environnement, qu’il soit géographique, spirituel ou artistique. Aujourd’hui, sa chaîne YouTube personnelle, riche de plus de 350 vidéos, est devenue un véritable trésor d’archives, rendant ce patrimoine audiovisuel accessible à tous.

2.3 Le romancier engagé : aborder la controverse avec Jacques Neirynck
La carrière d’Alex Décotte est jalonnée de collaborations fructueuses, des partenariats où les compétences se mêlent pour créer des œuvres d’une plus grande portée. Après le duo texte-image avec Maximilien Bruggmann et le tandem journalistique avec Catherine Wahli, il forme une troisième alliance marquante avec le scientifique, professeur et futur homme politique Jacques Neirynck. Ensemble, ils explorent un nouveau territoire : le roman engagé. Leur collaboration donne naissance à deux thrillers politiques qui plongent au cœur d’un des débats les plus houleux de l’époque en France et en Europe : la question du nucléaire, et plus spécifiquement le sort du surgénérateur Superphénix à Creys-Malville. Le site, théâtre de manifestations massives (dont celle de 1977 qui a entraîné la mort d’un manifestant, Vital Michalon) et d’incidents techniques à répétition, est un sujet hautement inflammable. Dans Et Malville explosa, publié en 1988, puis dans Les cendres de Superphenix en 1997, Décotte et Neirynck utilisent les codes de la fiction pour explorer les implications techniques, environnementales et politiques de cette technologie controversée. Ce choix de la fiction n’est pas une évasion du réel, mais une autre manière de le questionner. En alliant la rigueur scientifique de Neirynck à la maîtrise narrative de Décotte, les deux auteurs réussissent à rendre accessibles des enjeux complexes et à nourrir le débat public. C’est une forme de journalisme d’investigation par d’autres moyens, une démonstration que l’engagement citoyen peut aussi passer par la littérature. Cette capacité à réunir des talents divers pour raconter des histoires complexes est une caractéristique fondamentale de la méthode Décotte, un fil rouge qui explique à la fois la qualité et la diversité de son œuvre.

Partie III : Le sage de Ferney-Voltaire : une vie de récits (années 1990 à aujourd’hui)

3.1 Une ancre dans la communauté : politique et mémoire locale
Au faîte de sa carrière médiatique, Alex Décotte opère un virage qui pourrait sembler surprenant mais qui, à la lumière de son parcours, apparaît comme une évidence. L’homme qui a parcouru le monde choisit de s’investir corps et âme dans la vie de sa communauté d’adoption, Ferney-Voltaire. Il y exerce la fonction de Maire-adjoint à la Culture, passant du rôle d’observateur à celui d’acteur de la vie publique locale. Cet engagement trouve sa plus belle expression dans la création et la présidence de l’association «Ferney en mémoire». À travers cette initiative, il met ses talents de conteur et d’enquêteur au service de la «petite histoire» de la commune. Dans un entretien, il livre une clé de compréhension essentielle à cette démarche : ses longs voyages, loin des siens, ont paradoxalement nourri sa curiosité et son attachement pour ce qu’il nomme sa «famille de cœur», Ferney. Le travail de mémoire qu’il entreprend est donc la réponse à une quête personnelle de racines, une manière de rendre aux lieux et aux gens l’attention qu’il a portée aux cultures lointaines. Le blog de l’association devient le réceptacle de cette mémoire vivante. Avec une plume touchante et précise, il y rédige les nécrologies des figures locales, qu’elles soient connues ou anonymes, transformant chaque départ en une célébration de la vie et une pièce ajoutée à la mosaïque de l’histoire collective. Cet engagement pour la mémoire ne se limite pas à sa ville. On le retrouve dans son implication au Musée Saharien, où il œuvre à préserver l’héritage de ses compagnons de route ou de cœur, comme le naturaliste Théodore Monod ou le photographe Maximilien Bruggmann. Qu’il s’agisse de son village ou du désert, la mission reste la même : lutter contre l’oubli et transmettre les histoires.

3.2 L’archiviste numérique : organiser son héritage
Loin de considérer les nouvelles technologies avec méfiance, Alex Décotte a pleinement embrassé l’ère numérique pour entreprendre ce qui constitue peut-être le dernier grand chapitre de sa carrière : la curation et la transmission de son propre héritage. Son blog personnel et, de manière plus spectaculaire encore, sa chaîne YouTube (@ALEXDECOTTE) ne sont pas de simples vitrines, mais de véritables archives vivantes, méticuleusement organisées et offertes au public. Avec plus de 350 vidéos, la chaîne est un fonds documentaire d’une richesse exceptionnelle. On y retrouve ses grands reportages qui ont fait les belles heures de la TSR : les séries sur le chemin de Compostelle, le voyage à bord du Transsibérien, ses explorations en Laponie ou au Groenland, ses portraits de personnages hors du commun. Cette démarche est un acte conscient et délibéré. Là où l’œuvre de nombreux journalistes de sa génération reste confinée dans les archives institutionnelles, souvent difficiles d’accès, Décotte prend l’initiative de numériser et de partager son travail, le rendant accessible aux nouvelles générations. La devise de sa chaîne, «Du dernier recoin de mon village jusqu’aux confins extrêmes de la planète, trente ans de reportages réalisés avec tendresse, respect et passion», sonne comme le manifeste de cet archiviste de sa propre vie. Cette activité de curation numérique est le prolongement direct de son travail pour «Ferney en mémoire» et le Musée Saharien. Dans ces trois sphères, il agit en «gardien de souvenirs». Il ne se contente plus de créer des récits ; il s’assure de leur pérennité. C’est la phase ultime et logique de sa vocation de conteur : après avoir raconté les histoires, il veille à ce qu’elles ne meurent jamais.

Conclusion : L’héritage durable d’un «passeur» humaniste
En parcourant plus de cinquante ans de carrière, le portrait d’Alex Décotte se dessine avec une clarté remarquable. L’homme des contrastes se révèle être un homme d’une profonde cohérence, dont le parcours est unifié par des valeurs immuables : une curiosité philosophique pour le monde, une empathie humaniste pour ses habitants, un regard critique mais toujours constructif, et un sens aigu du lien qui unit le global et le local. Son héritage est multiple. Pour la Suisse romande, il restera un pionnier des médias, l’une des figures qui ont donné ses lettres de noblesse au journalisme de consommation et incarné un service public exigeant et proche des gens. Il a gagné une confiance du public qui est la plus belle des reconnaissances. Les archives ne mentionnent pas de prix ou de distinctions majeures, et cette absence est peut-être révélatrice : sa plus grande récompense fut la fidélité de ses téléspectateurs et lecteurs, un capital de crédibilité bâti sur des décennies de travail rigoureux et honnête. Au-delà des frontières suisses, il est un grand reporter et un auteur dont l’œuvre invite au voyage et à la rencontre. Mais son legs le plus singulier est sans doute celui du «passeur». Il a démontré qu’un engagement profond envers le monde entier n’est pas antinomique avec un attachement viscéral à sa propre communauté ; au contraire, l’un nourrit l’autre. Aujourd’hui, Alex Décotte n’est pas un homme retiré des affaires du monde. Il est un sage de la communication, un passeur de mémoire qui continue, avec une énergie intacte, sa mission de toujours : raconter des histoires. En naviguant entre son archive numérique personnelle où il fait revivre ses reportages passés et les chroniques vivantes de sa ville bien-aimée, il demeure ce qu’il a toujours été : un lien essentiel entre le passé et le présent, entre l’ici et l’ailleurs. Un homme qui, toute sa vie, aura cherché à mieux comprendre le monde pour mieux le partager.