Si les Ricains n’étaient pas là
Vous seriez tous en Germanie
A parler de je ne sais quoi
A saluer je ne sais qui.
(Michel Sardou)
Eh oui, si les Ricains n’étaient pas, finalement, entrés dans la deuxième guerre mondiale, alors que Hitler terrorisait l’Europe depuis plus de deux ans déjà, dieu sait où nous serions et à qui nous obéirions aujourd’hui. Or, c’est quelque part au milieu du Pacifique, à Pearl Harbor, que les Américains ont été forcés d’entrer en guerre, bien malgré eux. Cela se passait le 7 décembre 1941.
Quelques jours plus tôt, le 26 novembre, un porte-avions japonais avait discrètement quitté son port d’attache dans les Kouriles, au Nord du Japon. Il faisait route sud-est, cap sur Hawai. Plus précisément sur Pearl Harbor, merveilleux port naturel situe une dizaine de kilomètres à l’ouest d’Honolulu, sur l’île d’Oahu.
Ce porte-avions japonais se nommait Akagi Il était escorté par à cinq autres bâtiments, le Kaga, le Soryu, le Hiyriu, le Zuikaku et le Shokaku. Dans le ventre de l’Akagi, des dizaines d’avions de marque Aichi, Nakajima, Mitsubishi, eux-mêmes porteurs de bombes. Et autant de pilotes prêts à mourir pour leur pays.
Pendant ce temps, à Pearl Harbor, la vie était calme, rassurante. Le port était encombré de bâtiments de toutes tailles. L’essentiel de la flotte américaine. Certains en cale de réparation, le New Orleans, le San Francisco, le Pensylavania. D’autres alignés à la queue leu-leu au nord et au sud de l’ile Ford, qui se trouve au centre de la baie de Pearl Harbor : Tanger, Utah, Raleigh, Detroit, Maryland, Tenessee, Nevada, Arizona.
Le 7 décembre au matin, il n’y avait pas un souffle d’air sur Pearl Harbor. Pas un nuage non plus. Le jour n’était pas encore levé. Depuis 80 minutes, les bombardiers japonais avaient décollé du porte-avions. A Pearl Harbour, personne ne les vit arriver.
Tora! Tora! Tora! A 7h55 dans les casques des pilotes, ce mot de code prévint que tout allait bien. L’attaque avait commencé. Tout de suite, les bombardiers clouèrent au sol l’aviation américaine, basée sur les terrains de Hickam, près de Pearl Harbour, et de Weeler, plus loin dans les montagnes. Pas un seul appareil américain ne réussit à prendre l’air.
Il restait aux bombardiers japonais à détruire la flotte. Ce fut un carnage. L’un après l’autre, les bâtiments retenus dans la rade écopaient d’obus et de bombes. La baie s’était couverte de mazout échappé des cales des navires Le mazout prenait feu. Pour échapper à la fournaise de leur bateau touché et prêt à couler, les marins qui se jetaient par-dessus le bastingage, au risque de périr carbonisés dans le mazout en flammes.
Des bateaux coulaient, d’autres s’éventraient, d’autres explosaient. Le plus touché fut l’Arizona. Il s’enfonça dans les flots en emportant 1177 marins. En quelques heures, 2341 soldats américains, perdirent la vie. Il y eut aussi plus de mille blessés. Quant à la flotte américaine du Pacifique, elle était anéantie.
Aux Etats-Unis, le choc fut incommensurable. Après la stupeur vint la décision. L’Amérique entra en guerre contre l’Allemagne nazie et son allié japonais. Quatre ans plus tard, il faudra Hiroshima et Nagasaki pour réduire, enfin, le Japon à merci.
J’étais le 7 décembre dernier à Pearl Harbor. Il y eut des discours sur le monument de béton, d’un goût contestable, édifié dans la rade, exactement au-dessus de l’épave de l’Arizona. Il y eut aussi des touristes, comme chaque jour mais parmi eux, fait exceptionnel pour qui connaît dans cette région la clientèle habituelle de ce genre de voyages organisés, aucun Japonais.
Pearl Harbor est aujourd’hui redevenue une base navale américaine et les Japonais ont renoncé à la guerre depuis belle lurette. Dans les bistrots de Tokyo, ils se défoulent en jouant à des jeux électroniques recréant guerres de l’espace ou batailles navales plus vraies que nature.